Recommencer à zéro [PV : Ecko]

Au bout d'un instant, Ecko n'entendit plus le moindre son... seulement le doux bruissement des feuilles bercées par le vent en ce début d'après-midi. Luva ne parlait plus... sans doute s'était-elle assoupie un instant. Elle ne pouvait pas être partie puisque l'aveugle la percevait toujours auprès de lui, allongée, calme, sereine.

Ecko décida de la laisser profiter de cette sérénité. Lui aussi goûta au calme de la forêt. Au loin, quelques oiseaux chantaient, accueillant avec plaisir les rayons du soleil sur leur corps fragiles et légers. Il laissa ses pensées vagabonder quelque instant sur l'herbe qui les chatouillait, puis elles s'éloignèrent vers le ruisseau qui coulait à quelques mètres de leurs pieds, grimpèrent sur un tronc à l'écorce noueuse, s'amusèrent à sauter de branche en branche avant de s'arrêter sur l'extrémité d'une feuille flétrie. Cette dernière goûta à la chaleur de l'astre-roi avant de se résoudre à rejoindre le sol, entraînant avec elle une coccinelle qui s'envola à mi-parcourt. Lorsqu'elle toucha le sol, l'aveugle revint à lui au moment où Luva sortait de sa torpeur :

-Oh un loup dans les nuages !! C'est drôle.

Le garçon tourna ses yeux vides vers elle. Il ne comprenait pas. Comment un animal terrestre comme le loup pouvait-il se retrouver dans le ciel ?? Se moquait-elle de lui ?? Pourtant,il rentra dans son jeu parce qu'il la trouvait quelque peu rigolote :

"Mais... comment est-ce possible ?? Depuis quand les loups ont-ils des ailes ?? Et comment peuvent-ils atteindre les nuages ??"

Puis il se rappela que son amie était une fille-loup. Peut-être avait-elle seulement eu une vision de ce qu'elle était, de ce qu'elle allait devenir, de ses origines... Les cieux... quel monde extraordinaire...

-Mais... comment est-ce possible ?? Depuis quand les loups ont-ils des ailes ?? Et comment peuvent-ils atteindre les nuages ??

Luva se demanda d'abord si Ecko se moquait d'elle... Mais elle se rappela qu'il ne voyait pas. Il n'avait donc du jamais observer les nuages et s'apercevoir que certains avaient des formes plus ou moins réalistes. Elle lui expliqua alors telle une enfant qui croit tout savoir :

-Mais non, les loups volent pas ! Elle rit en imaginant un loup avec des ailes, s'envolant vers les nuages. Elle continua : c'est les nuages qui font des formes. Je viens de voir un nuage qui était comme un loup.

Elle s'était relevée et assise en tailleur le temps de son explication. Elle regardait Ecko fixement et tentait d'expliquer ses dire avec des mouvements avec ses mains. Même si le jeune homme ne pouvait sûrement pas comprendre ce qu'elle mimait, elle ne pouvait s'empêcher de traduire ses mots avec des gestes vifs. Elle gloussa en repensant à un loup volant. Et elle se dit alors qu'elle aimerait bien voler. Elle était venue en avion puis en bateau jusqu'à l'île. Et l'avion ne lui avait guère laissé de bons souvenirs. Elle avait été malade pendant tout le trajet. La nausée l'avait suivie dans le bateau et elle se souvint de son état à son arrivée. Elle était toute nauséeuse et tanguait en marchant. Elle se sentait si mal qu'elle avait eu besoin de l'air frais de la mer pour retrouver ses couleurs. Mais voler avec des ailes. Des vraies. Des ailes de plumes, elle se dit que ce devait être bien. Et regardant un instant le ciel bleu et les quelques morceaux de nuages restant, elle rêva qu'elle pouvait voler. Elle partagea ses pensées avec son ami :

-ça doit être bien de voler...

Luva éclata de rire. L'aveugle ne compris pas la soudaine raison de son hilarité et se demanda si elle ne le prenait pas pour un imbécile. Il savait parfaitement qu'un loup ne volait pas... ce qu'elle lui expliqua. Elle lui dit que c'étaient les nuages qui prenaient des formes et l'un d'eux ressemblait à un loup. Des formes... oui... c'est ce qu'il percevait avec ses sens... des formes... des ombres... cela lui rappela qu'il ne faisait qu'à moitié partie de ce monde, où il était né, certes, mais où sa cécité le séparait de bon nombre de personnes, comme Luva...

Cette dernière brisa ses pensées auxquelles il s'était promis de ne plus s'abandonner en annonçant qu'elle aimerais bien voler, de façon assez détournée...

-ça doit être bien de voler...

Sans doute, pensa-t-il... à vrai dire, il n'avait jamais vraiment eu l'occasion de se poser la question... étant aveugle, il n'aurait certainement pas ce que les voyants appelaient "le vertige" mais, il savait que les cieux ne lui appartenaient pas, ainsi qu'à tous les hommes...

"Oui, sans doute... déclara-t-il, mais le ciel n'est pas notre monde... il existe des créatures dont les nuages sont le pays, l'air les champs, les étoiles le soleil... on les appelle "anges". Je ne saurais te les décrire, du fait que je n'en ai jamais croisé un seul... mais peut-être qu'un jour, tu en rencontreras un, et alors pourras-tu lui demander de t'emmener voler au-dessus de notre monde..."

Il sourit, une nouvelle fois.

"Veux-tu essayer de gagner un quelconque endroit habité avant la fin de la journée ?? Ou préfères-tu voyager avec moi jusqu'à la prochaine étape de mon propre voyage ??"

Ils avaient abordé nombre de sujets en à peine une journée... pour la première fois de sa vie, le jeune homme avait une interlocutrice et il se dit qu'il serait heureux de faire un bout de chemin avec elle, et lui apprendre les règles de survie dans ces contrées qu'elle découvrait...

Ecko expliqua à l'ookami qu'il existait des êtres appelés « anges » qui vivaient dans les cieux. Les nuages étaient pour eux leur pays. Luva se laissa bercer par cette histoire. Ecko lui racontait beaucoup de choses et elle appréciait qu'il puisse combler sa soif de connaissances en assouvissant bien plus que sa curiosité limitée.

Le jeune homme lui sourit. Et lui proposa de bouger, en lui demandant ce qu'elle préférait faire : le suivre encore un peu, ou rejoindre un endroit habité. Luva ne réfléchit pas une seule seconde et répondit naturellement :

-On peut continuer ton voyage jusqu'à un endroit habité ?

Elle voulait vraiment rester avec lui. Il était gentil, doux, et elle ne comptait pas rester seule dans ce vaste pays inconnu. Certes Ecko était un mâle qu'elle détestait au plus haut point mais, il était différent, elle appréciait cette différence, et peut-être lui permettrait-il de s'intégrer un peu dans cette nouvelle vie. Elle n'aimait pas la solitude et Ecko la guiderait sûrement à travers la vie civilisée qu'elle n'avait connue que pendant les premières années de sa vie. Elle avait tout à découvrir. Si quelqu'un voulait bien l'aider, ce serait certainement beaucoup plus facile pour elle. Elle pensait à tout ce que le monde lui réserverait une fois qu'elle serait seule. Elle se demandait tout ce qu'elle avait raté en vivant à l'écart de la vie pendant toutes ces années. Elle avait tellement de choses à rattrapé. Elle regarda le jeune homme tristement et demanda honteuse.

-Tu veux bien m'aider ?

Elle eut un frisson de terreur en pensant à ces années d'emprisonnement qui l'avaient privée de tout. Elle continua finalement, chassant ces sombres pensées de son esprit.

-... à découvrir tout ?

Elle laissa planer le silence entre eux. Elle n'attendait rien de lui. Elle voulait évidemment qu'il l'aide. Mais elle ne s'attendait pas à une réponse positive de sa part. Sa demande exigeait du temps et de l'énergie, elle serait comme une enfant découvrant tout sur son chemin... Elle baissa la tête et attendit que le garçon, réagisse à se requête.

-On peut continuer ton voyage jusqu'à un endroit habité ?

La réponse de la fille-loup avait fusée, sans hésitation aucune. Apparemment, elle voulait bien rester avec lui. Ces mots lui firent plaisir. Il n'avait jamais voyagé avec quelqu'un. Ce serait pour lui une expérience nouvelle que d'avoir une personne présente à ses côtés pour lui décrire les paysages qu'il ne pouvait voir...

-Tu veux bien m'aider ?

Quelle était cette question idiote ?? Bien entendu qu'il voulait l'aider, sans cela, il ne lui aurait pas proposé de l'accompagner.

-... à découvrir tout ?

Là c'était autre chose...

"Qu'entends-tu par 'tout' ?? Je dois te prévenir que je n'ai pas encore tout découvert des secrets de notre monde... mais je peux t'apprendre ce que je sais..."

A cet instant, le jeune homme de 17 années avait l'impression de parler comme un vieux maître ermite à un jeune disciple qui prendrait le relais après son trépas... peut-être finirait-il ainsi... mais pas maintenant !! Il avait promis à Luva de lui apprendre comment survivre sur Erya, il tiendrait parole.

"Bien ! dis-il en se relevant, que dis-tu de partir en direction du nord ?? On y trouve l'île du nord, que j'aimerais beaucoup visiter... mis comme son nom l'indique, il y fait plutôt froid... aussi, nous allons essayer de rallier Ayami-Kiba, la dernière grande ville avant la mer, où nous pourrons nous préparer pour notre voyage. J'en profiterai pour t'en apprendre un peu sur les reliefs, les villes, les gens, les plantes et les créatures de l'île. Est-ce que ce programme te va ??"

Ceci étant dit, il se redressa, ramassa son bâton et tendit la main à l'Ookamie pour l'aider à se relever.

Bien ! Que dis-tu de partir en direction du nord ?? On y trouve l'île du nord, que j'aimerais beaucoup visiter... mis comme son nom l'indique, il y fait plutôt froid... aussi, nous allons essayer de rallier Ayami-Kiba, la dernière grande ville avant la mer, où nous pourrons nous préparer pour notre voyage. J'en profiterai pour t'en apprendre un peu sur les reliefs, les villes, les gens, les plantes et les créatures de l'île. Est-ce que ce programme te va ??

Ecko se releva tout en parlant, il ramassa son bâton en demandant à Luva si tout ça lui convenait et la jeune ookami lui répondit en attrapant sa main libre. Elle s'agrippa à cette main pour se relever, l'attirant un peu vers elle et dit :

- Ça me va !

Elle arbora un grand sourire tout en lâchant un peu à contre coeur la main du jeune homme. Elle allait rester avec lui, c'était bien. Luva était contente de ne pas rester seule dans ce vaste monde. Il allait lui montrer ce qu'il savait et cela la réjouissait encore plus. Tout cela était merveilleux.

Ils partirent donc en direction du Nord. Luva ne savait pas du tout ce qui les attendait en chemin. Elle avait certes écouté attentivement ce que le garçon lui avait dt, mais elle n'avait ni tout enregistré, ni tout compris concernant les noms de villes etc qu'il avait utilisé. Ils quittèrent la forêt dans laquelle ils s'étaient posés il y a un certain moment maintenant, et il prirent la route, marchant côtes à côtes. L'ookami était toute excitée à l'idée d'apprendre tout plein de choses sur ce nouveau monde qui l'accueillait.

- Ça me va !

La jeune fille avait agrippé sa main, s'était relevée dans un bond et l'avait quelque peu attiré contre lui... puis les deux amis avaient pris la route du nord. Ils avaient traversé la forêt en quelques heures seulement, avant de rejoindre une route que l'aveugle savait comme désertant la plupart des grandes villes de l'île. Il fit exprès de les faire marcher en bord de chemin, car il savait pertinemment qu'ils risquaient de croiser nombre de marchands, ce dont la jeune fille n'aimerait sans doute pas vraiment...

Et en effet, ils en croisèrent plusieurs dizaines, chacun annonçant sa présence dans un bruit assourdissant, et repartant de même. Chaque fois que cela arrivait, la jeune femme se cachait derrière lui. Mais elle revenait très vite à ses côtés, glissant parfois sa main dans la sienne ou se risquant, lorsqu'elle n'apercevait personne à l'horizon, quelques secondes sur le goudron chaud sous le soleil de la journée.

Le garçon lui parla tour à tour des villes d'Erya, en commençant par la capitale, Elipce, puis des autres, moins importantes, des principales races vivant en communauté ou non dans ces dernières, des humains aux nekos en passant par les êtres élémentaires, des reliefs de l'île, décrivant longuement le Pré où il habitait, et des créatures plus ou moins dangereuses qui pouvaient vivre dans les environs.

"Une fois que nous arriverons à Ayama-Kibi, je t'achèterai une carte pour que tu puisses t'y retrouver, lui dit-il, il te sera alors plus facile de t'y retrouver dans mes explications."

En début de soirée, les deux amis arrivèrent en vue (façon de parler) de ce que Ecko identifia comme une auberge.

"Nous passerons la nuit ici, déclara-t-il, ça te fera du bien de dormir dans un vrai lit, et de manger un vrai repas. Tu en as bien besoin."

D'un geste, il ouvrit la porte en grand et invita la jeune fille à le suivre. Leur entrée fut suivi d'un grand silence, ce que le garçon identifia comme partiellement mauvais pour la suuite...

Ils partirent donc vers le nord. Ecko la guida vers un chemin quelque peu peuplé. Ils croisèrent en effet de nombreux hommes qui faisaient grand bruit sur leur passage. À chaque fois qu'ils croisaient de trop près ces hommes, Luva terrifiée se faisait toute petite et se plaçait derrière le jeune homme. Parfois même elle se risquait à lui prendre la main. Quand tout devenait calme, cependant, sa curiosité prenait le dessus et elle s'avançait sur le sol dur et sombre de la route. Elle observait un peu les alentours, ne restant jamais très loin du garçon. Il lui parlait des villes de l'île. Tout était très intéressant, mais il y avait beaucoup d'informations et jamais l'ookami ne pourrait tout retenir. Il lui expliqua tant de choses, à propos des races vivant ici, des reliefs, il lui raconta ou il habitait, puis ce qu'il fallait savoir sur ce lieu qui allait devenir son lieu de vie. Il lui précisa, qu'il achèterait une cartes pour situer au mieux tout ce dont il lui avait parlé dans la journée.

Le soir tombait déjà, l'horizon se paraît de ses plus belles couleurs et une brise fraîche venait soulever la jupe de la jeune fille. Ils approchaient d'un bâtiment éclairé quand Ecko précisa qu'ils s'arrêteraient là. Luva avait les pieds en compote, son dos était engourdi, et il avait bien raison en disant que dormir lui ferait du bien. Mais dans un lit... cela faisait une éternité qu'elle n'avait pas connu de lit à proprement parlé. Elle ne savait même plus ce que cela faisait de se coucher dans un lit moelleux, et s'endormir sous une couverture.

Ils poussèrent la porte de l'auberge, et entrèrent. Alors qu'on entendait de dehors, la joie de vivre d'hommes à moitié ivres, et de femmes dansant et chantant dès qu'ils passèrent le pas de la porte, un long silence les accompagna. On sentit un mal-être et Luva se rapprocha un peu de l'aveugle. Elle sentit de nombreux regards posés sur elle. Elle ressentit l'ivresse de certains posée sur son corps. Elle retint son impulsivité mais son poing la démangeait vivement. Tous observaient leur passage jusqu'au comptoir...

L'atmosphère dans laquelle ils pénétraient se chargea d'électricité. La salle empestait l'alcool, la sueur et la crasse. Le cocktail habituel des auberges de campagne. Ecko en avait l'habitude. Parfois, lorsqu'il entreprenait un long voyage, il louait une chambre ça et là. Et chaque fois, c'était la même chose. Il entrait, tout le monde se taisait, il payait sa chambre, il montait se coucher, et tout rentrait dans l'ordre. Mais cette fois-ci, c'était différent... Luva était avec lui...

Il marqua un minuscule temps d'arrêt sur le pas de la porte avant d'entrer définitivement et de se diriger vers le comptoir. Il savait que tous les regards se braquaient sur eux. Mais ils ne savait pas, en revanche, ce que ceux-ci renvoyaient comme expression. Luva se crispa à ses côtés.

"Laisse-moi parler, lui chuchota-t-il, il ne se passera probablement rien. Je sais que tu détestes les hommes... mais ceux-ci sont ivres et n'hésiteront pas à nous attaquer au moindre geste déplacé. Reste avec moi, et surtout ne fais rien, je t'en prie."

Il commençait à avoir légèrement peur. Non pas pour lui, mais pour son amie. Il ne savait pas comment elle risquait de réagir si l'un des zouaves présents décidait de venir les embêter, et cela l'inquiétait.

Ils arrivèrent pourtant sans encombre jusqu'au comptoir.

"Bonjour, déclara-t-il d'un ton qui se voulait enjoué, belle soirée n'est-ce pas ?? Mon amie et moi-même voudrions louer une chambre pour la nuit, si cela était possible."

L'aubergiste lui répondit d'un grognement. Toujours avec le sourire, le garçon paya la somme qu'il demandait, et, une fois la clé en poche, demanda à Luva où étaient les escaliers et de l'y conduire, en espérant que cela lui ferait détourner le regard de l'ombre qui s'était levée au fond de la salle...

Le garçon demanda à Luva de le laisser parler et de ne rien faire. Il lui expliqua que les hommes qui se trouvaient là étaient certainement ivres et qu'ils n'hésiteraient pas à employer la violence au moindre geste qui ne leur plairaient pas. Luva se retint de cracher au visage de certains pour leur faire détourner le regard, de frapper d'autres qui semblaient tenter d'approcher leurs mains... Mais elle ne fit rien. Elle resta près d'Ecko, silencieuse, le regard plein de rage, et prête à bondir si qui que ce soit la touchait ou lançait un mot déplacé.

Ils arrivèrent calmement au comptoir, l'aveugle demanda poliment une chambre pour la nuit et régla la somme demanda sur le moment. Il prit la clé tendue par l'homme et demanda à Luva de se diriger vers les escaliers. Elle dut parcourir la salle du regard pour situer le passage pour rejoindre l'étage où se trouvaient les chambres. Elle ne put donc pas rater l'homme à la carrure épaisse et au visage peu avenant qui venait de se lever. Elle glissa son bras sous celui d'Ecko et marcha en direction des marches. Le silence régnait toujours dans la salle.

-Vous n'êtes pas d'ici !?

L'homme qui venait de se lever arborait un petit rictus pervers et faisait quelques pas vers eux, brisant le silence de sa grosse voix rauque. Luva ne broncha pas, elle continua sa marche vers l'escalier, augmentant sa prise autour du bras d'Ecko, et l'attirant plus rapidement vers l'étage. Ils allaient monter les premières marches, personne n'avait répondu à cette question qui semblait plus rhétorique qu'autre chose. Tout le monde dans cette salle savait qu'ils n'étaient pas d'ici. Ils ne connaissaient personne, et le silence à leur arrivée répondait à lui seul à l'idiote question de l'homme. Luva se demanda s'il faisait exprès de demander quelque chose d'aussi évident.
Elle évita son regard et allait poser son pieds sur la première marche en bois quand la voix retentit à nouveau dans le silence :

-Pas si vite !

La scène se figea. Luva hésita à lui flanquer son poing dans le visage et monter ensuite se coucher, mais elle repensa à ce qu'Ecko lui avait demandé. Elle obéit donc à contre cœur au garçon qu'elle tenait toujours par le bras. Elle ne bougea donc plus, attendant qu'Ecko réagisse avant qu'elle ne s'énerve pour de bon...

On les avait apostrophé... Ecko soupira. Les hommes pouvaient parfois se montrer tellement idiot... à ses côtés, il senti Luva se raidir un peu plus. La colère montait en elle. Le dégoût peut-être aussi. Néanmoins, elle réussit a contenir ses pulsions. Il n'était absolument pas nécessaire d'électrifier l'atmosphère, déjà bien tendue..

Il sourit à Luva, comme à son habitude. Il espérait qu'elle ait confiance en lui. Ce simple sourire, pourtant destiné à détendre soin ami, provoqua en lui une grande sérénité. Il inspira puis soupira bruyamment pour exprimer son ennui face à cet homme qui, de toute évidence, empestait l'alcool.

"Non, en effet, nous ne sommes pas d'ici." répondit-il simplement sains cesser de sourire. Ce dernier, dans des situations comme celles-ci, se trouvait être l'une des pires armes de provocation au monde. Non pas qu'il cherche à provoquer l'homme qui, d'après ce qu'il percevait, était beaucoup plus grand et robuste que lui, mais il se plaisait à sourire en toutes circonstances.

L'ivrogne ricana, puis, tournant légèrement la tête de biais pour sans doute prendre à parti ses compagnons, il déclara d'une voix rauque, témoin des ravages de la boisson sur le palais et les cellules grises :

"C'est un bien beau spécimen que tu as là -il rota, déclenchant des rires dans la salle- ça te dit de partager un peu avec de pauvres mineurs comme nous ??"

Il sentit Luva se crisper contre lui.

"Joue le jeu que je vais jouer d'accord ??" lui chuchota-t-il dans un souffle.

"Mon bon monsieur, reprit l'aveugle d'une voix claire et distincte, sachez que cette jeune fille ici présente est ma fille, et je ne laisserai personne, et je dis bien personne, la toucher, ou il goûtera à la puissance d'un mage ! Est-ce bien clair ??"

Un grognement lui répondit, puis des murmures de désapprobation.

"Viens, dit-il à son amie, montons avant qu'ils ne décident de te sauter dessus malgré ma mise en garde ! On sera plus en sécurité là-haut.."

Et sans demander son reste, il l'entraîna jusqu'à leur chambre, qu'il ferma à double tour.

"Bien, déclara-t-il, après ce petit épisode houleux, que dirais-tu de manger quelque chose ?? Ou peut-être désires-tu prendre un bain ?? Ne t'en fais pas, ils te laisseront tranquille tant que tu seras avec moi. Les hommes, il leur suffit d'un peu de bluff pour leur faire peur. Souviens-t'en, ça peut t'être utile pour ta nouvelle vie qui commence..."

Et il lui fit un clin d'œil.

Ecko sourit à l'ookami avant de répondre simplement à l'homme, que non ils n'étaient pas d'ici. Mais cela ne suffit pas à cette brute, il enchaîna :

-C'est un bien beau spécimen que tu as là, ça te dit de partager un peu avec de pauvres mineurs comme nous ??

Ces paroles furent couper par un rot qui déclencha des rires dans l'assemblée qui entourait les deux. Luva se crispa, et inspira un grand bol d'air avant de bloquer sa respiration pour ne pas s'enrager plus que ce qu'elle n'était. Si Ecko ne lui avait pas demandé de ne rien faire, elle aurait déclenché une bagarre générale en plantant son genoux entre les cuisses épaisses de ce gros lard. Luva tentait de se concentrer sur autre chose pour ne pas craquer, Ecko lui demanda alors dans un souffle de jouer le jeu avec lui. Elle le dévisagea alors dans un frisson, elle ne comprenait pas vraiment ce qu'il attendait. Mais les mots du garçon éclaircirent sa pensée :

-Mon bon monsieur, sachez que cette jeune fille ici présente est ma fille, et je ne laisserai personne, et je dis bien personne, la toucher, ou il goûtera à la puissance d'un mage ! Est-ce bien clair ??

Luva comprit alors de quoi il parlait. Il se faisait passer pour son père. C'était assez bizarre parce qu'il ne paraissait pas bien plus vieux qu'elle. Et c'était encore plus étrange pour elle de jouer le jeu sachant qu'elle n'avait jamais connu son père. Celui ci avait du quitter le village après avoir engrossé sa mère. Ou bien était-il frivole et avait plusieurs femmes dans le village malgache de son enfance. Elle ne se souvenait pas de lui en tous cas. Et n'était même pas sûre de l'avoir déjà croisé. Mais Ecko la tira vers le haut, la sortant de son immobilité. Ils montèrent jusqu'à la chambre et le garçon prit soin de fermer la porte derrière lui.

-Bien, déclara-t-il, après ce petit épisode houleux, que dirais-tu de manger quelque chose ?? Ou peut-être désires-tu prendre un bain ?? Ne t'en fais pas, ils te laisseront tranquille tant que tu seras avec moi. Les hommes, il leur suffit d'un peu de bluff pour leur faire peur. Souviens-t'en, ça peut t'être utile pour ta nouvelle vie qui commence...

Il finit de parler en ponctuant d'un clin d'oeil. Luva sourit timidement à ce geste. D'habitude les clins d'oeil qu'elle recevait n'étaient pas si amicaux. Ils étaient plutôt chargé d'un lourd désir et d'envies les plus bestiales à son égard.

-Comment tu savais que jouer mon père marcherait ?

Elle posa sa question simplement, mais sa tête était emplie de doutes et d'interrogations. Elle se souvenait que sa mère l'avait abandonnée parce qu'elle était une fille loup, elle se demandait si son vrai père l'aurait défendu comme venait de le faire Ecko. Elle en doutait grandement. Il l'aurait plutôt vendue pour la nuit en échange du gîte et du couvert, et l'aurait proposée au plus offrant pour se faire quelques pièces en prime. Cette idée la dégoûta tellement qu'elle fila à la salle de bain en courant pour vomir.

Elle se vida du peu qu'elle avait mangé. Agenouillée près des toilettes, elle s'adossa au mur, et s'essuya le visage. Elle se sentit soudain bien seule face au monde auquel elle devrai bientôt faire face. Elle resta là immobile et silencieuse. Son ventre vide elle se leva, et passa son visage sous l'eau d'un petit lavabo, et resta comme ça, sous l'eau un certain moment.

Pour toute réponse à son clin d'œil, Luva posa une question :

"Comment tu savais que jouer mon père marcherait ??"

Le garçon n'eut pas le temps de répondre. Il avait ouvert la bouche, mais elle s'enfuit dans la salle de bain. Il ne la suivit pas. Il savait que lorsque quelqu'un avait des réactions de fuite comme celle-ci, il valait mieux le laisser seul... de plus, il avait senti une grande peur, une pointé de désespoir et une profonde haine dans le coeur de Luva... il préféra ne pas la bousculer...

Des bruits d'eau se firent entendre. Elle devait probablement se laver... dans des situations comme celles-ci, l'eau qui ruisselé est un bon moyen d'oublier, de penser à autre chose, un moyen beaucoup moins dangereux que l'alcool. Il attendit donc qu'elle revienne, rangeant leur quelques affaires au pied du lit, et préparant sa couchette. Il dormirait sur un matelas, à même le sol. Luva avait plus besoin de se ressourcer sur un vrai lit que lui. Il plaça ses couvertures et son oreiller contre la porte. Ainsi, il monterait en même temps la garde si les soûlards d'en bas décidaient de leur rendre visite...

Puis, utilisant ses pouvoirs de dématérialisation, il se glissa hors de la chambre en quête de quelque nourriture. S'il redescendait en étant visible, cela pourrait être dangereux pour son amie, aussi se rendit-il aux cuisines sous sa forme la plus discrète.

Il revint quelques minutes plus tard, les bras chargés de fruits, de légumes, de deux quignons de pain et autant de bols de soupe encore fumante. Luva était assise sur le lit. Elle paraissait sur ses gardes.

"Ce n'est que moi, sourit-il en refermant la porte derrière lui et en déposant le repas sur une table basse, mange, ça te fera du bien."

Il marqua une pause qu'il mit à profit pour dévorer une pomme.

"Je vais répondre à ta question de tout à l'heure. Je ne pensais pas sincèrement que te désigner comme ma fille marcherait, étant donné notre faible différence d'âge. Ce qui a le plus fonctionné, ça a été de mentionner le terme 'mage'. Les hommes sont simples d'esprit. Ils redoutent tout ce qui touche à la magie. Mais c'était du bluff -il sourit- je ne suis pas un mage pour deux sous. S'ils avaient voulu nous attaquer, j'aurais été bien incapable de leur lancer ne serait-ce qu'une minuscule boule de feu. Mais je ne les aurait tout de même pas laisser te toucher..."

Il inspira un grand cou, croqua dans le pain, puis s'allongea tranquillement sur sa couchette. Il avait besoin de se vider l'esprit, de penser à autre chose. Il laissa son esprit vagabonder, mais guettant tout de même les moindres paroles de son amie, ou d'éventuels bruits extérieurs...

Quand Luva revint dans la chambre Ecko n'y était plus. Elle se demanda où il avait bien pu passé mais ne s'y attarda pas trop longtemps et s'écroula sur le lit. Elle était encore toute pâle et elle se sentait bien fatiguée. Quand le garçon entra à nouveau dans la chambre il était chargé de tout plein de nourriture : fruits légumes, pais, soupe... Luva fut surprise de le voir arrivé aussi il la rassura en lui proposant la nourriture qu'il déposa près d'elle. Il attrapa lui même une pomme qu'il mangea avant de répondre à sa précédente question :

-Je vais répondre à ta question de tout à l'heure. Je ne pensais pas sincèrement que te désigner comme ma fille marcherait, étant donné notre faible différence d'âge. Ce qui a le plus fonctionné, ça a été de mentionner le terme 'mage'. Les hommes sont simples d'esprit. Ils redoutent tout ce qui touche à la magie. Mais c'était du bluff je ne suis pas un mage pour deux sous. S'ils avaient voulu nous attaquer, j'aurais été bien incapable de leur lancer ne serait-ce qu'une minuscule boule de feu. Mais je ne les aurait tout de même pas laisser te toucher..

Luva ne broncha pas. Elle n'avait jamais vu de mages et ce petit jeu n'aurait donc pas marché avec elle. Elle observa un moment Ecko manger, elle n'avait plus très faim mais pour faire passer cet affreux goût qu'elle avait dans la bouche elle avala tout de même la soupe que l'humanoïde avait apporté. Elle oubliait parfois qu'il était aveugle. Elle se demanda comment il avait fait pour rapporter ces réserves de vivres jusque dans la chambre.

Fatiguée Luva se coucha finalement sur le lit moelleux que lui avait laissé Ecko. Elle s'affala sur le matelas douillet et sans un mot s'endormit de suite.
Son sommeil fut agité mais elle ne se réveilla pas en sursaut, et ne fit couler aucune larme.

~

Elle se retrouva le lendemain matin à l'envers dans le lit. Quand elle ouvrit les yeux difficilement avec la lumière du jour qui l'aveuglait, elle grogna. Elle ne reconnut d'abord pas l'endroit où elle était. Et laissant ses yeux s'habituer à la lumière, elle se rappela de l'auberge. Elle bougea un peu, et réalisa alors comment elle était dans le lit. La bouche pâteuse, elle bâilla bruyamment. Remuant un peu pour réveiller son corps, elle s'assit en tailleur sur le matelas.

Ecko dormi d'un sommeil léger, cette nuit-là. Il se réveilla deux fois, la première parce qu'une planche craqua au-dessus de lui, et cela le fit sursauter, et la seconde parce qu'un idiot de pigeon sans aucun doute s'était pris la fenêtre en pleine poire. Les deux fois, il analysa rapidement la chambre et sonda les environs, vérifiant ainsi si les ivrognes de la veille leur en voulaient toujours ou non, avant de se rendormir. Il passa une nuit calme, sans rêve, sans autre sensation que l'odeur de propreté de l'hôtel et celle de Luva, qui dormait comme une souche sur le lit.

Lorsqu'il se réveilla, elle était assise sur son lit. Il lui lança un joyeux "coucou bien dormi ??" Avant de se lever d'un bond (chose idiote car cela lui fit légèrement tourner la tête pendant une seconde) et de se diriger vers la fenêtre qu'il ouvrit en grand (quel c*n ce pigeon quand même...). L'odeur du matin, mélange suave de rosée, d'herbe coupée et de poussière envahit la chambre. De toute évidence, le soleil était encore bas... pourtant, il préféra s'assurer :

"Peux-tu m'indiquer la position du soleil Luva s'il te plaît ??"

Comme il l'avait pensé, il était encore tôt. Cela l'arrangeait. Mieux valait partir de bonne heure. Il fit ses exercices de relaxation et de contrôle de ses sens matinaux tandis que Luva faisait sa toilette, puis occupa la salle de bain pendant cinq minutes, le temps de prendre une rapide douche.

"On continue ??" lança-t-il joyeusement en sortant, les cheveux encore humides.

Il avait hâte de continuer leur chemin. Pourtant, il trouva étrange le fait que trois ombres lui bloquent le passage lorsqu'il voulut sortir...

"Bonjour messieurs, dit-il d'un ton enjoué, c'est une belle journée qui s'annonce n'est-ce pas ??"

Quand Ecko se réveilla il lui demanda d'un ton enjoué si elle avait bien dormi. Luva ne répondit pas directement. L'ookami ne dormait jamais vraiment bien. Son sommeil était toujours hanté de son passé, et elle bougeait toujours beaucoup pendant la nuit. Elle répondit d'un « hum » et observa silencieuse, encore quelque peu endormie, le garçon plein d'énergie. Il se leva et alla jusqu'à la fenêtre qu'il ouvrit. Il lui demanda de lui situer la position du soleil. Luva lui dit qu'il était en face, vers l'horizon.

Luva se leva alors doucement du lit moelleux d'où elle n'avait encore bougé. Elle fit quelques pas lourds vers la salle de bain et alla se débarbouiller. Elle se regarda dans le miroir situé au dessus du lavabo. Elle ne s'était que rarement observée dans un miroir. C'était un peu étrange de voir son reflet. Elle sortit enfin de la salle de bain, et le garçon prit sa place. Il en sortit rapidement et demanda :

-On continue ?

Ecko semblait de bonne humeur ce matin. Luva quant à elle était lasse. Elle était en train de rassembler les fruits et légumes qu'ils n'avaient pas touché la veille, en guise de provision pour le voyage. Ecko s'adressa alors à quelqu'un, se retournant, elle vit Ecko dire à trois hommes :

-Bonjour messieurs, c'est une belle journée qui s'annonce n'est-ce pas ??

Au milieu des trois se trouvait la brute de la veille qui avait voulu en savoir plus sur leur compte, et s'amuser un peu avec l'ookami. Il avait du rallier deux autres idiots à sa cause pour venir s'amuser avec les deux voyageurs. Luva ne se fit pas prier ce coup ci pour réagir à sa guise. Elle s'approcha de l'aveugle et lui tendit le baluchon de fortune qu'elle venait de remplir des restes de nourriture. Elle se posta ensuite en face des trois colosses et leur demanda « gentiment » de déguerpir. D'un ton assuré Luva leur fit face. Voyant qu'ils ne bougeaient pas d'un poil, elle commença à s'énerver.

-On veut passer !! répéta-t-elle rageuse.

Elle s'étonna elle même de faire preuve d'autant de patience. Mais lorsque l'homme du milieu s'avança à l'intérieur de la chambre, contraignant les deux voyageurs à reculer Luva en eut plus qu'assez. Elle pivota pour se retrouver sur le côté droit de celui ci, et se baissa si rapidement qu'il n'eut pas le temps de réagir, elle attrapa son mollet, avec sa main droite à l'intérieur de son genou et sa main gauche à l'extérieur de sa cheville. Elle poussa de ses deux mains dans des directions opposées et se dégagea pour laisser la grosse masse tomber. L'homme s'écrasa sur le lit, le brisant tant il tomba avec fracas. Elle se releva, s'épousseta et regarda alors les deux autres qui l'observaient ébahis.
Elle leva les yeux au ciel comme désespérée de la bêtise masculine, en effet l'un d'eux s'avançait déjà poings en avant vers elle. Elle se jeta sur lui, sauta sur ses épaules et se retrouvant à califourchon sur la nuque de celui ci, elle le projeta en arrière, et se releva d'un bond. Celui ci aussi se retrouva à terre, assommé sur le pas de la porte
Et n'attendant pas que le dernier s'avance, elle s'approcha de lui, moins téméraire il recula d'un pas en la voyant venir à lui. Il n'avait pas l'air de réellement vouloir se battre, elle s'approcha encore et détectant un léger tremblement chez ce dernier, elle grogna en montrant des dents, et il déguerpit en criant. Luva gloussa.

Elle se tourna alors vers Ecko et lui dit naturellement :

-On peut continuer ! Il vaut mieux pas rester là.

Sur ces mots elle lança un regard autour d'elle et voyant les deux hommes au sol gémissant elle sourit. Tout cela l'avait bien réveillée !

Apparemment, les trois ombres qui lui faisaient face n'étaient pas décidé à leur laisser la voie libre. Une forte odeur de sueur et d'alcool, la même que la veille vint soudain agresser l'aveugle. L'un des trois colosses était celui qui avait voulu jouer avec eux lors de leur arrivée, c'est certain. Luva le rejoignit alors, en demandant une première fois d'un ton railleur de bien vouloir les laisser passer. Puis, comme ils ne bougeaient pas, de façon un peut plus colérique :

-On veut passer !!

A partir de cet instant, tout se passa très vite, trop peut-être pour les sens de Ecko. Ce n'est qu'une fois que tout se fut déroulé qu'il analysa la situation et se remémora tout. D'abord, l'une des trois ombres avança lourdement vers eux, les forçant à reculer. Puis Luva se mit en action. Il ne saisit pas véritablement l'ensemble de ses mouvements, mais toujours est-il que le l'homme se retrouva par terre à faire gentiment dodo... dans le lit cassé... et à peine était-il endormi que le second de la bande se rua sur Luva, peine perdu car telle un petit singe, elle grimpa sur lui et le fit tomber aussi, l'assommant tout comme son compagnon. Enfin, le dernier prit peur lorsqu'elle fit le chat.

*c'est tout doux pourtant un petit chat* se dit-il.

-On peut continuer ! Il vaut mieux pas rester là.

Elle dit ces mots de la façon la plus naturelle qui soit, comme si rien ne s'était passé, comme s'il n'y avait jamais eu deux corps quelque peu amochés dans leur chambre d'une nuit. S'il avait eu des yeux normaux, l'aveugle l'aurait regardé avec des pupilles écarquillées et la bouche grande ouverte. De toute évidence, elle était en forme. Cela fit sourire le garçon qui, enjambant la masse écroulée près de la porte, invita son amie à sortir en jouant les galants hommes, c'est-à-dire en se courbant pour lui ouvrir le passage, une main sur le ventre :

"Si mademoiselle désire s'en aller..."

Une fois qu'ils furent sortit, il ferma la porte à clé, enfermant ainsi les ivrognes à l'intérieur. Il se félicita intérieurement de cette farce, qui était plus une vengeance. La salle était vide comparée à hier soir. Il y avait seulement deux ombres, mais aucun ne semblait avoir entendu le vacarme occasionné par Luva. Il rendit la clé de leur chambre au réceptionniste et, lui glissant une pièce, lui chuchota "attendez un peu avant d'aller refaire nos lits...". Il n'ajouta rien et, tout sourire, ils prirent de nouveau la route qui devait les mener en fin de journée jusqu'à Ayami-Kiba, avant-dernière étape de leur voyage.

Ecko se pencha et comme dans une révérence il dit :

-Si mademoiselle désire s'en aller...

Luva lui sourit, et ils prirent tous deux le chemin de la sortie. Ils rendirent la clef à l'aubergiste. Ecko glissa deux mots à l'oreille de celui ci, Luva ne put les distinguer. Elle se demandait à propos de quoi il lui avait parlé. Mais le grand air lui fit oublier ces questions. Elle s'aéra bien comme il faut. S'éloignant un peu de cette auberge plein d'ivrognes, elle fit le plein de fraîcheur tournoyant dans l'air matinal. Elle aurait préféré que ses oreilles soient libérées, qu'elle puisse aérer son crâne. Mais il y avait trop de monde dans les parages pour qu'elle se risque à enlever son foulard.

Ils s'engagèrent donc sur la route. Luva marcha longuement en silence. Mais telle une enfant s'ennuyant de l'ambiance bien trop calme à son goût elle demanda :

-On va où ? C'est comment là bas ? C'est encore loin ?

Elle enchaîna si rapidement ces questions qu'elle n'aurait pu permettre au garçon d'y répondre l'une après l'autre. Elle aimait le silence, mais elle était d'humeur dynamique et préférait un peu d'animation dans leur marche matinale.

Elle observait la nature. Tranquillement, elle papillonnait de çà de là s'aventurant sur le chemin quand il n'y avait pas trop de monde, ou restant sur les bords, près d'Ecko quand ils croisaient des marchands. Luva semblait de bonne humeur, ce n'était pas de la joie, pas vraiment. Elle paraissait gagner en assurance dans ce monde inconnu. Après l'événement de ce matin, une fois qu'elle eut maîtrisé les deux hommes, elle se sentit plus en confiance. Elle se dit qu'au fond elle était bien capable de survivre. Elle pensa que ce n'était peut-être pas très correct d'assommer tous les hommes qui lui voulaient du mal mais au fond elle se rassura en pensant que ce ne devait pas être très correct de vouloir jouer avec elle comme ils l'entendaient..

La route était peu fréquentée en ce début de journée, aussi Ecko souriait lorsque son amie s'aventurait sur le goudron. Le garçon n'aimait pas trop cette texture de route, sous ses pieds... il était soit trop chaud lorsque le soleil montait haut dans le ciel, soit trop froid lorsqu'il faisait nuit ou que l'atmosphère était fraiche... il préférait de loin le contact de l'herbe douce et de la terre sous sa peau.

Ils marchèrent longtemps. Parfois, Ecko s'arrêtait, et il demandait à Luva de lui décrire le paysage. C'était agréable d'avoir, pour la première fois de sa vie, quelqu'un pour lui dire ce qu'il y avait, de voir en quelque sorte... à travers les yeux de quelqu'un, d'une amie. Certes, il ne pouvait pas se représenter ce que Luva nommait vert, bleu, jaune, marron, etc. Mais pour la première fois de sa vie, il put imaginer ce qu'il y avait à plus de 100m de lui, sans pour autant s'y diriger.

L'atmosphère et le temps étaient calme. La matinée touchait à sa fin lorsque l'Ookamie demanda d'une voix de petite fille :

-On va où ? C'est comment là-bas ? C'est encore loin ?

Elle avait posé ses questions tellement rapidement que le garçon fut pris au dépourvu.

"Euh... hésita-t-il, on va vers une ville où on essaiera d'avoir un bateau pour traverser la mer et ainsi se diriger vers l'île du nord. Mais on risque d'attendre longtemps avant d'en avoir un donc il va falloir prendre notre mal en patience. On en profitera pour acheter des vêtements un peu plus chauds. Le climat de l'île est, dit-on, plutôt froid. Et non ce n'est plus très loin. Dans deux ou trois heures normalement nous devrions arriver."

La circulation se densifia au fur et à mesure qu'ils approchaient, et, au bout d'un moment, l'aveugle du se résoudre à progresser sur la route chaude et puante car les premières maisons apparaissaient. Il demanda à Luva de les lui décrire, ainsi que les murs enserrant le coeur de la ville. Il était tellement heureux d'avoir des yeux à ses côtés...

"Bien, dit-il une fois qu'ils eurent atteint ce qu'il lui sembla être la place principale, car elle grouillait de monde, que dirais-tu d'essayer de trouver un magasin de vêtements chauds, et une carte ??"

-Euh... , on va vers une ville où on essaiera d'avoir un bateau pour traverser la mer et ainsi se diriger vers l'île du nord. Mais on risque d'attendre longtemps avant d'en avoir un donc il va falloir prendre notre mal en patience. On en profitera pour acheter des vêtements un peu plus chauds. Le climat de l'île est, dit-on, plutôt froid. Et non ce n'est plus très loin. Dans deux ou trois heures normalement nous devrions arriver.

Luva l'écouta attentivement. Elle se laissa guider sur cette route en direction de la ville. Il y avait de plus en plus de monde au fur et à mesure qu'ils approchaient de leur destination. Luva réduit ses escapades, et resta près du garçon. Ils furent contraint de marcher sur la route tout le temps car les maisons étaient de plus en plus nombreuses sur le bord. Luva resta lèvres closes quand ils arrivèrent en ville. Elle lui décrivit les paysages qu'il demandait mais c'était tout. Tout était tellement grand et impressionnant. Elle se sentait minuscule ici. Et il y avait tant de monde. Ils se trouvaient sur une sorte de vaste place quand Ecko lui proposa de trouver un magasin de vêtements et acheter une carte. Luva acquiesça d'un hochement de tête, étouffée par le monde qui pullulait.

Ils longèrent les pourtours de la place qui renfermaient les magasins les plus divers et variés. Et arrivé face à une échoppe de vêtements, ils entrèrent. Le bruit était étouffé dans ce petit magasin. C'était plus calme, et Luva soupira tant cela la soulageait de retrouvait un peu de calme.

Une vendeuse s'approcha alors d'eux. Elle était grande et élancée. Sa silhouette était celle d'un mannequin, elle semblait parfaite, la peau pâle mais pas trop, elle avait de longs cheveux ondulés blonds qui lui tombaient sur les épaules. Son visage était fin et souriant, des yeux verts perçants et des lèvres maquillées brillaient sur son teint rosi par de la poudre. Elle portait une jupe serrée et longue, grise, très chic, et un chemisier blanc aux épaules un peu bouffantes, et au col ouvert sur un décolleté charmant. Sa gracieuse démarche accompagnée par le cliquetis de ses talons sur le sol lui permit une entrée tout en lumière. Elle s'adressa aux deux voyageurs dans une voix robotisée mais sensuelle :

-Bonjour, bienvenue dans la boutique de vêtements de Marjorie, la gérante étant absente je me chargerai de vous guider dans vos choix. Cherchez-vous quelque chose en particulier ?

Elle se figea sur un sourire laissant apparaître des dents blanches parfaites, qui laissa les deux clients assez perplexes. Tout chez cette femme semblait parfait, et c'était d'ailleurs ça le problème, ça ne semblait pas normal.

Le magasin dans lequel ils pénétrèrent sentait fort la violette et le gingembre. C'était typique des échoppes de vêtements. Ecko n'en avait visité que très peu, mais chaque fois, c'était la même odeur qui lui sautait au nez. Ils avaient longé la place, en se faufilant là où il y avait le moins de monde, la foule déstabilisant grandement les sens de l'aveugle. Il avait demandé à Luva de trouver une enseigne indiquant des vêtements d'une quelconque façon. Apparemment, elle s'était plutôt bien débrouillée. Une ombre s'avança vers eux en demandant d'une voix sucrée :

-Bonjour, bienvenue dans la boutique de vêtements de Marjorie, la gérante étant absente je me chargerai de vous guider dans vos choix. Cherchez-vous quelque chose en particulier ?

Elle paraissait être une vendeuse comme il en existe tant d'autres. Pourtant, les sens de Ecko l'avertirent d'une concentration importante d'électrons chargés autour de son ombre. Une être de foudre peut-être ?? C'était possible, car c'étaient les mêmes que ceux qui tourbillonnaient autour de son ami Nomenad. Néanmoins, il remarqua l'absence d'autres clients dans la boutique. Bah,peut-être n'était-ce qu'une coïncidence. Il répondit donc poliment :

"Oui, nous cherchons des vêtements suffisamment chaud pour nous permettre de ne pas mourir de froid sur l'île du Nord, et suffisamment accessible pour ne pas dépenser la totalité de mon salaire dans cet achat."

La vendeuse laissa échapper un petit rire et lança d'une voix dans laquelle l'aveugle décela un brin seulement de naturel :

"Je vois, monsieur ne veut avoir froid ni au nez, ni au porte-monnaie..."

Ecko laissa échapper un petit "exactement" réservé. Le rire de cette personne sonnait faux. Comme si... comme s'il n'était pas humain...

"Nous avons cette collection, déclara-t-elle, en soie renforcée et doublée de laine de mouton. C'est chaud, coupe-vent et le prix de l'ensemble 'bottes-manteau-pantalon' ne coûte que 100 Aïles."

L'aveugle réfléchit un moment. Il possédait 125 Aïles sur lui. Il ne pouvait donc pas acheter deux tenue entières. De toute façon, il détestait chausser quelque chose. Il se tourna vers Luva :

"Choisis ce que tu veux, je ne prendrai qu'un manteau. Cela me suffira."

Soudain, il remarqua quelque chose dans le tournoiement des électrons. En effet, ils ne voletaient pas de façon anarchique comme chez Nomenad, mais étaient ordonnés en plusieurs lignes qui décrivaient les courbes de l'ombre avec une netteté sans pareille. Il n'avait jamais vu ce phénomène auparavant, et cela l'inquiéta plus que cela l'intrigua...

"Excusez-moi, demanda-t-il à la vendeuse qui conseillait son amie, une question me turlupine... de quelle race êtes-vous issue ??"

Ecko commença à parler avec la vendeuse. Elle lui demanda ce qu'il cherchait et il lui indiqua qu'ils souhaitaient des vêtements chauds. La femme commença alors à lui présenter quelques articles. Luva s'esquiva quand Ecko lui dit de choisir ce qu'elle voulait. Elle déambula dans le magasin. Tout était sombre, ça ne plaisait pas à l'ookami. Elle trouva finalement un espèce de poncho coloré et plus précisément dans les tons orangés et rouges qu'elle adorait. Elle s'emmitoufla dedans, c'était doux. Il était bien épais, et très large pour la silhouette fine de Luva. La jeune fille avait pris le premier, et ne sachant pas lire, elle ne savait pas qu'il y avait différentes tailles.

Luva revint vers son ami avec son trophée. Elle lui apportait sa trouvaille toute fière. Elle passa près de la vendeuse, alors qu'Ecko lui demandait à quelle race elle appartenait. Et elle sentit quelque chose de louche. Ou plutôt elle ne sentit rien... Son odorat était très développé et elle sentait très distinctement les odeurs des personnes. Cette vendeuse ne dégageait pourtant aucune odeur humaine... ou du moins vivante. Luva s'approcha alors de plus près pour renifler, sans aucune gêne la femme. Celle ci ne broncha pas. Luva lui toucha le bras du bout de son index et un petit « tonc » retentit. Luva sursauta, et d'un bond rejoignit son ami lui chuchotant d'un air de panique :

-Elle... elle... c'est pas une femme..

La question du garçon cumulée au toucher de Luva sur son bras eurent un effet des plus explosif chez la vendeuse. Ses cheveux s'enflammèrent et ses habits aussi. Sa tête se mit à tourner dans tous les sens et elle répéta dans la même voix sensuelle que précédemment :

-Erreur ! Erreur ! Erreur ! .. Erreur !

Luva regarda d'un air affolé son ami. Alors qu'ils restaient tous les deux figés à observer la vendeuse en pleine phase d'auto-destruction, ils auraient mieux fait de s'enfuir en courant. Luva eut soudain un mauvais pressentiment, elle attrapa le bras de son ami et cria :

-VITE ! Faut partir !!

La vendeuse maintenant méconnaissable, n'était plus qu'un robot enragé qui se mettait à leur poursuite. Tout ce qui semblait si parfait chez elle auparavant avait totalement disparu pour laisser place à un corps métallisé.

Ils se dirigèrent vers la sortit le plus vite possible, Luva attrapa quelques choses au vol et quand ils atteignirent la sortie ils plongèrent de suite dans le bain de foule qui était encore sur la place. Luva tenait encore son ami par le bras et elle ne comptait pas le lâcher. Elle essayait de l'entraîner le plus loin possible de ce monstre robotisé. Elle aperçut au loin une ruelle, se dégageant du monde qu'ils bousculaient sur leur passage, ils entrèrent dans cette petite rue vide. Et à peine eurent-ils atteint le calme de cette ruelle qu'une explosion retentit. Luva sursauta, encore essoufflée de cette course frénétique qui les avait mené jusqu'ici, elle sortit prudemment de la ruelle vide. Sur la grande place un peu plus loin, là où se trouvait quelques secondes auparavant multiples marchands et personnes, il n'y avait plus rien. Le robot avait explosé, on entendait encore des cris et des toux. Le feu avait ravagé les étalages, par bonheur, la foule avait réussi a déserté. À la vue du robot les gens avaient commencé à fuir, et l'explosion n'avait fait que quelques blessés.

Luva regarda d'un air effaré son ami.. tout ce qui venait de se passer dépasser son entendement.. Elle tomba à terre, elle s'appuya contre le mur pour s'asseoir et reprendre son souffle...

Encore une fois, tout se passa très vite pour Ecko. Il ne sut pas vraiment pourquoi ni comment sa question bouleversa la vendeuse, mais une grande chaleur envahit soudain l'endroit, tandis que cette dernière répétait en boucle d'une voix paniquée que le garçon identifia soudain comme métallique :

"Erreur ! Erreur ! Erreur !"

A ses côtés, Luva paraissait paniquée et voulait à tout prix s'éloigner d'ici. Lui non plus n'était pas rassuré. Néanmoins, ce que ses sens lui renvoyaient était fascinant. Un amas d'électrons s'était formé autour de la vendeuse. Ces derniers étaient complètement excités et avaient abandonné tout idée de cohérence pour adopter une formation complètement anarchique en vortex d'énergie qui semblait ne demander qu'à être libérée. Là, la situation commençait à devenir dangereuse.

Ils s'entraînèrent mutuellement dans un accès de crainte pour leur vie (ce qui est normal) vers la sortie. Ecko tenait le manteau qu'il avait eu l'intention d'acquérir dans une main, et Luva dans l'autre. Néanmoins, il ne pensait plus aux vêtements. Eux qui voulaient aller dans le froid, pour le coup, ils allaient avoir très très chaud.

Ils émergèrent du magasin en courant. Les passants qui se trouvaient présents s'écartèrent en hurlant en apercevant la vendeuse qui n'avait plus rien d'une vendeuse. Une chose était pourtant sûre, elle était à leur poursuite. Les deux amis se précipitèrent dans une ruelle. Quelques secondes plus tard, un grand "BOUM" retentit sur la place, et les sens d'Ecko ne perçurent plus d'énergie instable. La vendeuse venait tout simplement de se désintégrer... au milieu de la foule. Peu après, on entendit les sirènes de police et de médecins. Il devait y avoir des blessés...

Les deux amis, essoufflés, s'appuyèrent mutuellement contre les murs de la ruelle. Le coeur de Ecko battait la chamade. Il tenait encore dans sa main le manteau qu'il n'avait finalement pas acquis de manière... disons... légale. Il espéra intérieurement que désormais, la police eryianne ne les poursuivraient pas pour vol et recel. Il renifla.

"Tu as pu trouver quelque chose et le sauver ??"

Elle lui répondit par l'affirmative. Cela l'arrangeait. Il n'avait pas envie de réitérer une quelconque expérience dans un quelconque magasin de vêtements. Pourtant, il ne savait toujours pas quelle créature était cette... chose...

Luva s'était posée, adossée contre le mur elle reprenait son souffle et se remettait doucement des événements. Son ami lui demanda :

-Tu as pu trouver quelque chose et le sauver ??

Luva le regarda d'un air espiègle. Elle se releva doucement, un peu déséquilibrée elle se rattrapa au mus et brandit fièrement son poncho laineux et tout chaud. Elle répondit en montrant son trophée :

-Oui j'ai ça !

Luva essaya sa trouvaille, le vêtement lui était bien trop grand, elle nageait dedans. Mais elle avait l'air complètement satisfaite. Elle tourna faisant voler les pans de son habit.

-Il est bien ! Tu trouves ?

Elle semblait avoir déjà tout oublié de l'incident de la vendeuse explosive. Elle avait retrouvé ses forces, et son esprit se concentrait sur quelques choses de nouveau. Elle avait un tas d'interrogations à propos de ce qu'il s'était passé, mais elle savait bien au fond d'elle que personne n'avait les réponse. Elle savait que tout ça était un mystère autant pour elle que pour Ecko, elle lisait bien dans son regard l'incompréhension de tout ça. Aussi elle avait enfouit les questions, sa curiosité s'était tu sachant qu'elle ne pourrai être rassasiée. Elle avait tourné la page très vite car elle savait qu'elle ne pourrait rien en apprendre. Alors il fallait passer à autre chose.

Il fallait reprendre la route. Luva était maintenant impatiente de pouvoir tester son poncho lors de grands froids. Elle voulait tester son utilité le plus rapidement possible et ça même si d'habitude l'ookami détestait le froid. Elle était en effet plus accoutumée aux chaleurs tropicales. Elle n'aimait pas devoir se couvrir et donc le froid n'était pas son ami. Elle ne comprenait jamais pourquoi il rendait sa peau rugueuse, il l'agaçait. Oui c'était bien cela, le froid l'énervait d'habitude. Mais maintenant qu'elle avait acquis ce poncho qui semblait bien chaud, elle voulait l'essayer.

-On va repartir ? Demanda-t-elle dans une voix qui trépigne déjà d'impatience...

Luva lui montra le vêtement qu'elle avait pu sauver des flammes. C'est en tout cas ce que Ecko en déduisit lorsqu'elle se releva et tourna sur elle-même. Il perçut un allongement de son ombre et déduisit de son enthousiasme qu'elle avait trouvé ce qu'elle voulait. Néanmoins, devant sa réaction, il se demanda si parfois elle n'oubliait pas qu'il ne voyait pas... mais cela lui fit chaud au coeur. Pour la première fois dans sa vie, il était considéré comme quelqu'un à part entière, comme quelqu'un de normal. Décidément, cette jeune Ookamie était bien différente des autres habitants de l'île...

-On va repartir ?

L'aveugle avait descellé de l'impatience dans sa voix. Mais une impatience d'enfant qui a hâte de vouloir faire quelque chose, de vivre quelque aventure. Il réfléchit rapidement. Ils se trouvaient dans une ruelle, à quelques dizaines de mètres d'une place en plein émoi après l'explosion d'une vendeuse qu'ils avaient indirectement provoquée (l'explosion pas la vendeuse)... D'après l'odeur de l'air qu'il respirait, le port n'étais pas si loin que cela... Il leur fallait prendre un bateau pour pouvoir rallier l'île du nord.

"On va repartir, oui. Mais pour cela, il va falloir que nous trouvions un bateau. Tu n'as pas le mal de mer j'espère..."

Lui n'aimait pas vraiment ce moyen de transport. Bien que pratique, il tangue et menace de se renverser à chaque instant. Chaque fois qu'il avait embarqué, il avait eu l'impression d'être une vulgaire brindille jetée sur un monstre calme mais menaçant. Il savait ce qui vivait au fond des mers, des océans. Il avait peur de l'eau...

Il prit Luva par la main.

"Viens, lui dit-il, tu seras mes yeux jusqu'au port. J'ai besoin de reposer mon pouvoir de perception... la tête me tourne un peu..."