Recommencer à zéro [PV : Ecko]

Luva sentit Ecko bouger. Il posa sa tête sur sa main, le coude plié. Il se leva un peu et lui chuchota à l'oreille :

-Moi aussi, j'aime bien être avec toi...

L'ookami frissonna. Quand on lui parlait au creux de l'oreille, c'était généralement pour la menacer. Personne n'avait jamais déposé des mots si doux dans son oreille. Personne n'avait énoncé une phrase sur ce ton si tendre à son attention. Personne. Avant Ecko. Ecko.. Le silence fut lourd après cette petite phrase envoyée par le creux de son oreille jusqu'à son coeur.

Luva ouvrit à nouveau les yeux. Le garçon s'était recouché. Elle l'observa un moment puis ferma ses lourdes paupières. La fatigue l'envahissait. Son corps s'alourdit. Elle commença à s'endormir. Les quelques mots du garçon, posés dans son oreille, l'avait bercée.

Ses premières minutes de sommeil furent calme. Elle était plongée dans le lourd monde des rêves. Elle ne bougeait pas face au garçon. Elle fut soudain agitée. Elle se tourna vivement, lâchant la main si bien tenue jusqu'à présent dans son brusque mouvement. Elle gémit douloureusement en se débattant un peu.

" Il faisait nuit. Nuit noire. Quelques étoiles brillaient dans le ciel de Madagascar. La petite Luva âgée de tout juste 5ans est seule dans la forêt. Elle vient d'ouvrir les yeux sur le ciel qu'on entrevoit à travers les hauts arbres. Elle observe une étoile. Elle brille fort. Elle a froid, dehors. Elle a peur, ici. On entend des bruits effrayants. La petite Luva se concentre sur l'étoile, elle est jolie. L'enfant voudrait pleurer. Mais elle est forte. Elle regarde l'étoile. Ne voit que ça. Soudain, on l'empoigne. Des hommes. Forts. Nombreux. Elle n'a pas pris garde. Elle jette encore un regard plaintif en direction de l'étoile. Celle ci est encore plus brillante qu'auparavant. Elle s'approche on dirait. Luva pense qu'on vient la sauver. Alors que les hommes l'entraînent avec eux l'étoile avance de plus en plus vers eux. Elle fond sur le groupe d'hommes. Luva va être sauvée. L'étoile va les faire fuir. Un espoir enfantin mais bien profond naît dans les yeux de la petite ookami. Mais alors que l'étoile est là. Très proche. Elle se transforme en un loup immense. Ce loup scintillant est énorme. Il court vers eux. Luva a peur, très peur. Elle est seule. Le loup va attaquer. Il fonce sur eux. Il arrive. L'étoile prend une telle ampleur, que le loup n'a qu'à ouvrir sa grande gueule. Il avale d'un coup les hommes, Luva, tous. Il les tue d'un coup. Et Luva suffoque. "

D'un bond elle se réveille encore en sueur. Elle est habituée à faire des cauchemars. Sa propre nature de loup vient la hanter jusque dans ses rêves. Assise haletante sous l'abri, près d'Ecko, elle essaye de reprendre son souffle. Une larme de déception et de rage coule le long de sa joue. Pourquoi l'étoile n'est-elle pas venue pour la sauver ? Pourquoi le loup l'a-t-elle dévorée ? Elle est l'un d'entre eux. Elle se rend compte alors à quel point elle se sent seule. Elle n'appartient ni au groupe des humains, ni au groupe des loups. Elle est une ookami. Le mélange des deux. Elle est seule, et cette idée fait couler sur ses joues une vague de larmes...

Après lui avoir chuchoté ces quelques mots qu'il considérait comme gentils et apaisants, le garçon ralentit sa respiration. Son cerveau ainsi que son esprit s'embrumèrent. Inconsciemment, bercé par le souffle de Luva, devenu régulier il sombra doucement dans le monde des rêves, emporté par Morphé qui passait par ici, et qui, sans doute, repassera par là.

Comme chaque fois qu'il s'endormait, il fut entraîné dans un tourbillon impossible à décrire pour un être rationnel résident dans le monde visible. Lui faisait partie du monde inconnu, celui que seul l'esprit et l'âme sont capables de percevoir, de pénétrer. Le monde de l'irréel, un monde où les limites sont repoussée jusqu'à l'extrême. Un monde où deux et deux ne font non plus quatre mais dix-neuf, onze, voire même pi... Celui qui apaisait Ecko depuis des années, ce monde incompréhensible, mystérieux, impénétrable, celui des rêves.

Sauf que les rêves de l'aveugle étaient tout sauf des rêves rationnels imaginables par la caste des voyants. Et cette différence résidait justement dans le fait que ce qui apparaissait chaque nuit dans l'esprit du garçon n'avait rien de visible. C'était plus une présence fantomatique, un être sans aucune apparence fixe ni définissable, parfois une voix, souvent inaudible...

"Reste... reste... vie..."

Toujours cette voix... Soudain, à côté de lui, il sentit l'Ookami remuer fortement. Le contact établi au préalable par le biais de leurs mains fut rompu avec cette même soudaineté. Affolé, Ecko se redressa en sursaut, l'esprit encore embrumé. Il perçut aussitôt une immense tristesse émaner du corps de la jeune fille. Il l'entendait renifler rageusement. Puis la rage laisse place à la tristesse à proprement parler. Il la sent vibrer dans le corps de la petite Luva, imprégner son esprit...

Ne sachant que faire, il se redressa un peu plus sur ses coudes, et l'attira à lui. Peut-être lui rappeler sa présence la réconforterait quelque peu... Un bras entourant ses épaules, l'autre se mettant machinalement à caresser ses cheveux légèrement en sueur pour la rassurer, il se mit à lui murmurer :

"Luva, calme-toi... Tu as sans doute fait un cauchemar, rien de plus. Oublie-le... Tout va bien..."

C'étaient des mots banals, mais il avait ne savait que dire et se demanda aussitôt s'il avait réagi en conséquence...

Luva en sueur et terrifiée venait de se relever brusquement. Dans la position assise qu'elle venait d'adopter, elle tremblait de toutes parts. Soudain Ecko bougea derrière elle. Il se releva un peu et l'attira près de lui. Il la serra contre lui et commença à lui caresser les cheveux. Luva était maintenant blottie contre le garçon. Elle se recroquevilla contre son torse et se mit à pleurer de plus belle. Il lui chuchota alors :

-Luva, calme-toi... Tu as sans doute fait un cauchemar, rien de plus. Oublie-le... Tout va bien...

L'ookami se laissa faire. Elle se laissa bercer par le garçon. Il lui caressait toujours les cheveux. Elle renifla un peu, des sanglots l'étouffaient. Les larmes coulaient à flots sur ses joues, mouillant le vêtement d'Ecko. Luva resta comme ça un bon moment. Ne bougeant pas, reniflant un peu, et sanglotant parfois. L'aveugle la câlinait pour qu'elle se calme, mais elle avait du mal à retrouver une certaine sérénité. Les images de son rêve la hantaient. Elle revoyait toujours la gueule du loup l'avaler d'un coup. Elle sentait les mains des hommes sur son corps, l'empoignant pour l'emporter avec eux. Elle avait encore cette frayeur dans le ventre, et ce désespoir total qui la faisaient trembler . Le passé et la nature de l'adolescente la rattrapaient tout le temps. Elle ne serait jamais tranquille. Aussi loin qu'elle se souvienne, elle avait toujours fait de nombreux cauchemars. Elle était toujours sortie de son sommeil par des images affreuses. Elle avait toujours du mal à s'en remettre et à se rendormir ensuite.

Aujourd'hui c'était différent. Même si elle sanglotait encore et était terrifiée, quelqu'un l'avait prise dans ses bras. Un cocon protecteur s'était formé autour d'elle et doucement sa peur s'estompait. Elle reniflait toujours mais ses yeux se faisaient déjà lourds. Lourds de larmes, et lourds de fatigue. Après ce long voyage, l'ookami était épuisée. Et les bras d'Ecko autour d'elle la rassuraient un peu. Elle se sentit bientôt mieux, ses sanglots se raréfièrent, elle respira plus calmement, et sans bouger de contre le torse du garçon, elle se rendormit.

Dans sa tête le rêve revenait, elle frissonnait. Mais il était moins terrifiant. Elle savait à présent à quoi s'attendre et le désespoir était moins important. Dans ses cheveux une main lui caressait la tête. C'était agréable et doux. Combien de temps quelqu'un serait là pour elle ? Pour combien de temps Ecko resterait avec elle ? Et continuerait-il à la rassurer comme il le faisait si bien ? Elle espérait longtemps. Car personne jusqu'à maintenant ne lui avait montré tant de tendresse.

Ecko resta un moment à rassurer Luva, qui pleura longtemps, blottie contre son torse. Les larmes s'échappaient de ses yeux, coulaient le long de ses joues, trempaient la chemise de l'aveugle. Il sentait l'eau salée transpercer le tissu et ruisseler sur sa peau à lui. Il ne savait pas ce qui pouvait provoquer un tel chagrin chez elle... C'était évident, elle avait été la victime d'un cauchemar, sans doute des plus atroces pour elle, mais qu'avait représenté ce rêve ??

Néanmoins, il s'efforçait de la rassurer, de lui parler avec des mots apaisants, gentils. Il sentait qu'elle en avait besoin. Peu à peu, ses sanglots devinrent plus éparses, se raréfièrent, plus doux, jusqu'à se transformer en simples reniflements, avant de s'éteindre complètement. Lovée contre lui, sa respiration se calma aussi, redevint régulière... Le garçon se rendit alors compte qu'elle s'était endormie de nouveau. Il poussa un soupir.

Elle a besoin de compagnie, pensa-t-il...

Il n'arrêta pas son mouvement rassurant... Lui aussi, le fait de caresser les cheveux doux et soyeux de sa nouvelle amie le rassurait. Il aimait le monde des rêves, là n'était pas la question, mais il redoutait de retrouver cette voix qu'il connaissait mais qu'il n'arrivait pas à identifier s'il se rendormait dans les minutes qui suivaient... Elle lui faisait peur.

Doucement, il se mit à fredonner une chanson que son mentor lui chantait lorsqu'il était petit, pour dissiper ses craintes quant aux bruits de la nuit. Il ne se souvenait plus tellement des paroles. Seul l'air était gravé dans sa mémoire comme un texte sur une plaque de marbre. Il espérait que malgré le fait qu'elle se soit endormie au creux de son torse, Luva entendrait cet air et que les cauchemars la laisseraient tranquille...

Doucement, il se laissa bercer par son chant, et son visage vint s'enfouir dans les cheveux de l'Ookami...

De son profond sommeil Luva sembla percevoir un chant. Il s'immisça dans ses rêves et fit fuir toutes les images cauchemardesques qui flottaient dans son esprit. Elle sombra dans un profond sommeil. Fatiguée par tout le voyage qu'elle avait fait pour parvenir jusqu'à cette île. Elle était collée à Ecko et entendait son coeur battre contre son oreille. Dès que l'ookami percevait de nouvelles images terrifiantes elle s'accrochait à la chemise mouillée de ses larmes du garçon. Elle se rappelait alors qu'il était près d'elle et tout s'évanouissait. Elle resta ainsi positionnée tout le reste de la nuit.

Au matin, un rayon de soleil curieux vint chatouiller le nez de l'adolescente. Elle sentit la chaleur du jour sur son visage et commença à ouvrir doucement les paupières. Encore fatiguée de la courte nuit passée, elle entrevit le soleil levant et se tourna. Abandonnant le torse d'Ecko pour s'installer près de lui mais de dos. Les deux mains comme oreillers, posées sous sa tête. Elle se rendormit légèrement. Derrière elle sa queue effectuait des mouvements lents et aléatoires, fouettant parfois, au passage, le visage du garçon endormi près d'elle.

Dehors le soleil se levait, le bruit de la mer parvenait jusqu'à l'abri quelque peu estompé mais on entendait bien les mouettes et autres oiseaux des parages voleter par là à la recherche de quelques mets appétissants. Dans l'abri où ils s'étaient installés, l'eau gouttait toujours régulièrement.

Luva était encore épuisée. Elle dormait à point fermé. Le soleil l'avait un peu dérangée mais la fatigue avait pris le dessus et après avoir changé de position elle s'était rendormie comme un bébé. Elle sentait qu'Ecko était encore près d'elle, et ça la rassurait un peu. Son sommeil étant plus léger elle entendait bien mieux les bruits des alentours. Elle remua un peu en grognant, elle voulait encore dormir. Elle était si fatiguée...

Outre le cauchemar de Luva, la nuit se passa relativement calmement, sans grand soucis majeur. Au petit matin, Ecko sentit la petite Ookami remuer contre lui. Il en déduisit que le jour s'était levé, étant donné qu'un rayon de soleil vint chatouiller le bout de son visage. Il laissa la chaleur de ce mince faisceau de feu caresser son visage, qu'il offrait comme chaque matin au dieu soleil, comme une offrande. Ses yeux étaient grands ouverts, il les laissait ainsi pour dormir. De toute façon, à quoi lui servaient-ils ??

Il laissa ses pensées dériver quelques instant, le temps que son esprit se débarrasse de la brume accumulée lors du sommeil réparateur dont il avait fait preuve. Avec le plus de délicatesse possible, il bougea un peu,en faisant attention à ne pas réveiller Luva, qui, lui semblait-il, dormait encore. C'était la première fois qu'il se réveillait aux côtés de quelqu'un...

Le cerveau pas encore tout à fait réveillé, il 'regarda' un moment Luva dormir d'un air attendri -elle lui faisait penser à un petit enfant- avant de s'extraire de la caverne non sans quelques courbettes.

L'air salé et l'odeur des embruns le frappa de plein fouet. Un petit vent frais balayait la plage, faisant jouer ses cheveux et sa chemise. Les mouettes étaient là, aussi, à crier et se moquer d'il-ne-savait-quoi. Sans doute avaient-elles trouvé un banc de poisson et se réjouissaient de cette trouvaille...

Le garçon fit quelques exercices d'étirement. Cette nuit dans cette caverne étroite l'avait quelque peu ankylosé. Il marcha un peu jusqu'à la mer, puis escalada un rocher, non loin de la grotte. Il s'assied en tailleur, et commença ses exercices de concentration. Il avait pris l'habitude d'en faire, pour apprendre à mieux canaliser son flux d'énergie. Il ralentit sa respiration, et se concentra sur les fluctuations de l'océan. Il percevait chaque vague se former d'abord, avancer jusqu'à lui, puis se fracasser contre les roches dans une gerbe d'écume et un bruit de gouttelettes qui pourrait s'apparenter à celui de la pluie s'écrasant sur un carreau.

Il resta ainsi quelques dizaines de minutes, peut-être quelques heures, les jambes croisées, et les bras le long du torse, sans fonction aucune... Jusqu'à ce que Luva le rejoigne, ce qui le fit sursauter.

Luva s'était bien rendormie. Son sommeil s'était fait de nouveau profond et elle avait sombré dans une état des plus reposant. Elle se réveilla lorsque sa queue, ayant arrêté son mouvement pendant sa phase de sommeil profond, se remit à fouetter l'air. Ne sentant plus personne dans son dos, sa queue ne touchant plus le corps du garçon endormi. Luva sursauta et ouvrit les yeux. Elle chercha un moment à côté d'elle, tâtant le sol froid de ses doigts fins, s'il y avait quelqu'un. Elle se tourna alors et trouva la place vide. Un peu effrayée qu'il l'ait abandonnée pendant son sommeil, Luva se leva rapidement et parti à sa recherche. Elle sortit hors de la grotte.

Le soleil était éblouissant et lui piqua les yeux encore endormis. Elle mit sa main devant les yeux pour se parer de cette lumière trop vive. Elle avança un peu au travers des rochers qu'ils avaient emprunté la veille pour découvrir cet abri. Elle vit alors non loin de là où ils avaient dormi, Ecko assit en tailleur sur un rocher. Elle s'avança vers lui doucement. Les pierres étaient humides et elle avait peur de glisser.

Quand Luva arriva au niveau du garçon elle le vit immobile, calme. Quand elle s'approcha de lui, il dut sentir sa présence et sursauta. Luva le regarda un peu sans aucun mot. Elle se frotta les yeux telle une enfant sortant du lit. Elle était encore un peu fatiguée. Elle bâilla et vint s'asseoir près d'Ecko. Elle demanda alors d'une vois endormie :

-Qu'est ce que tu fais ici ?

Elle se demanda s'il était tard. Le soleil brillait haut dans le ciel mais venant juste de se réveiller la jeune fille était un peu désorientée. Dormir à même le sol ne la dérangeait pas habituellement mais le sol de la grotte était particulièrement dur, Luva s'étira en soupirant. Elle avait mal au dos et était toute engourdie.

-Tu es réveillé depuis longtemps ? Demanda-t-elle dans une petite voix timide.

Elle chercha des yeux la mer, et la vit, là, immense, belle et violente. Elle se laissa porter un instant par le bruit des vagues qui se fracassaient contre les rochers. L'adolescente était un peu endormie, elle émergeait difficilement de sa nuit agitée. Elle bâilla une deuxième fois. Portant son regard sur le garçon elle bâilla encore une fois. Elle s'étira et se frotta les yeux, il fallait qu'elle se réveille. Ce n'était plus l'heure de dormir !

-Qu'est ce que tu fais ici ?

Lentement, Ecko se tourna vers elle.

"Je me réveille... -il lui lança un sourire malicieux avant de poursuivre- c'est ce que j'appelle mon rituel matinal. C'est un exercice que j'entretiens depuis quasiment ma naissance. Mon mentor me l'a appris. C'est simple. Si je ne le fais pas, le flux qui me traverse peut devenir tellement intense et anarchique que je ne pourrais plus le contrôler, et je sombrerai soit dans la démence, soit dans l'inconscience. Dans les deux cas, cela peut être dangereux pour moi..."

Il ajouta, alors que son amie s'installait à côté de lui, avec une pointe d'ironie dans la voix :

"C'est dangereux d'être aveugle, n'est-ce pas ??"

Le garçon laissa échapper un petit soupir amusé avant de décider d'arrêter ses exercices. De toute façon, il avait régulé son énergie, c'était tout ce qui comptait.

-Tu es réveillé depuis longtemps ?

Ecko tourna ses grands yeux vides vers elle.

"Environ une heure, peut-être deux... Tu sais, je n'ai pas vraiment besoin de beaucoup dormir. Les êtres calmes et sereins n'ont pas besoin de beaucoup de sommeil..."

Il remarqua alors un léger, très léger mouvement de sa part.

"Tu es encore fatiguée, toi, en revanche..."

Il lui sourit. Il hésitait à lui demander si ses cauchemars étaient revenus, mais craignant de toucher un point sensible, il s'abstint, et lui demanda plutôt si elle avait faim.

Ecko expliqua à l'ookami qu'il effectuait des exercices chaque matin pour contrôler son énergie. Elle ne comprit pas tout mais elle trouva ça étrange. Il lui dit à quel point c'était dangereux pour lui de ne pas le fair. Luva s'inquiéta un peu. Tout cela la dépassait. Il répondit à sa deuxième question en disant qu'il n'avait pas besoin de beaucoup de sommeil. Il généralisa sa phrase :

-Les êtres calmes et sereins n'ont pas besoin de beaucoup de sommeil...

Luva frémit à cette remarque. Et il ajouta :

-Tu es encore fatiguée, toi, en revanche...

L'adolescente le regarda perplexe. Elle se demandait où il voulait en venir avec ces observations. Elle n'y prit pas garde. Bâillant elle répondit doucement :

-Oui je suis é-pui-sée... Elle s'étira encore. Et le regardant un peu honteuse elle ajouta : c'est la faute des cauchemars. Pardon.

Luva repensa alors à son rêve affreux et frissonna. Toujours un cauchemar nouveau. Toujours des images inconnues. Jamais les mêmes. Toutes plus terrifiantes les unes que les autres. Sa nature la hantait. Les hommes la pourchassaient. Et sa solitude la faisait sombrer.

Ecko lui demanda si elle avait faim. Elle lui répondit en remuant la tête négativement. Son ventre n'était peut être pas d'accord avec elle car elle le sentait presque vide mais elle n'avait pas envie de manger quoique ce soit.

Le vent soufflait déjà fort. Elle se souvint alors de son foulard. Elle s'était enroulée dedans pour dormir mais elle ne l'avait pas récupéré. Il était resté dans la grotte. Elle se leva et partit sans un mot vers la grotte pour le chercher. Habituée à ne rendre de compte à personne elle partit vers l'abri sans se rendre vraiment compte qu'elle laissait le garçon là, derrière elle.

La jeune fille lui répondit qu'elle était épuisée, que c'était la faute aux cauchemars.

Pardon. ajouta-t-elle.

Pardon ?? Pourquoi 'pardon' ?? Elle n'avait pas besoin de s'excuser. Ce n'était pas sa faute si, après tout, sa nuit avait été mouvementée. Il lui arrivait, lui aussi, de faire des cauchemars, mais il avait appris à ne pas les écouter et à les oublier... Elle bailla une nouvelle fois. Elle répondit négativement à la question qui concernait sa faim, ce qui surprit le garçon, qui s'attendait à la trouver affamée. Ce n'était pas la même que la veille...

Soudain, elle se leva, et retourna en direction de la grotte. Le garçon s'étonna qu'elle s'en aille ainsi, sans dire un mot... Mais il la laissa faire. Au fond de lui, il savait qu'elle ne s'en irait pas comme cela, sans lui dire pourquoi. Elle avait simplement envie de se rendormir, sans doute.

Il laissa ses sens la suivre jusqu'à la caverne avant que le jeune homme ne se décide à descendre de son rocher et ne prenne la même direction. Même si elle n'avait pas faim, il était primordial qu'elle avale quelque chose de comestible dès le matin, et il était bien décidé à le lui dire. Lui aussi avait un peu faim, aussi...

Il la trouva au milieu de là où ils avaient passé la nuit. Agenouillée. Le garçon n'arrivait pas à savoir ce qu'elle faisait. Néanmoins, il déclara d'une voix douce :

"Luva ?? Je vais chercher des baies pour le petit-déjeuner. Tu m'accompagnes ??"

Il ajouta :

"Tu sais, il faut manger, sinon, tu vas avoir du mal à tenir debout toute la journée..."

Luva était partie en direction de la grotte pour chercher son foulard oublié. Elle était en train de l'attraper quand elle sentit une présence derrière elle. Elle ne s'attendait pas à ce que le garçon la rejoigne et fit volte face vers lui pour découvrir son visage. Elle fut rassurée quand elle vit Ecko derrière elle. Il lui proposa d'aller chercher des baies pour manger. Luva se releva. Elle fit glisser le foulard sur ses épaules, autour de son cou pendant qu'elle écoutait Ecko s'inquiéter pour sa santé. Il lui précisa qu'elle devait manger pour tenir debout toute la journée. L'adolescente le regarda d'un air étonné. Mais elle ne dit rien. Elle le suivit.

Silencieuse elle pensa alors à ce qu'il venait de dire. Ecko était si gentil de se soucier d'elle. Pourquoi le faisait-il ? Elle sourit dans un soupir et avançant à côtés du garçon elle vint chercher sa main pour la glisser dans la sienne. Elle retrouva le plaisir qu'elle avait eu à tenir la main du garçon la veille. C'était doux et rassurant. Elle se laissa emporter et il allèrent chercher le petit-déjeuner.

Après avoir manger quelques baies et fruits trouvés par ci par là dans les alentours, Luva eut envie de se mouiller un peu. Elle lâcha la main du garçon et courut vers les vagues déferlant sur le sable. Elle eut peur de mouiller ses vêtements et s'arrêta net avant de plonger dans l'eau. Elle retira sa jupe et son haut, se retrouvant en petite culotte sur la plage. Elle jeta ses habits dans le sable chaud loin de la portée des vagues et entra dans l'eau tiède. Elle frissonna en entrant, c'était frais tout de même. Elle y resta un bon moment, ballottée par les remous de l'eau. Elle n'alla pas bien loin. Elle ne savait pas nager, elle voulait juste se laver un peu, et se rafraîchir. Sa tresse crépue flottait un peu sur l'eau salée. Elle formait comme la forme d'un serpent sur la surface de l'eau. La jeune fille sortit finalement de l'eau et attrapant ses habits au passage, toute mouillée, elle rejoignit le garçon. Elle se rhabilla rapidement pour ne pas attraper froid, laissant ainsi une trace mouillée sur sa jupe à l'emplacement de sa queue et de son sous vêtement. Ses cheveux gouttaient derrière elle. Ses lèvres étaient toute salées, ça la faisait rire, elle aimait bien ce petit goût. Elle demanda alors à Ecko s'il ne voulait pas se baigner lui aussi.

Luva le rejoignit. Apparemment, le garçon avait trouvé les mots justes, et ceux-ci s'étaient faufilés entre les barrières de la jeune fille, pour la toucher au point sensible. Il partit le premier, observant avec attention la réaction de son amie. Cette dernière le rejoignit en quelques enjambées et glissa une nouvelle fois sa main dans la sienne. Elle était douce et chaude... comme avant. Ensemble, ils s'enfoncèrent légèrement dans les fourrés dans l'espoir de trouver quelque chose de comestible.

L'aveugle connaissait presque toutes les baies et fruits qui poussaient dur l'île. Après tout, il s'agissaient de son unique nourriture... Ecko détestait la viande. Sa croyance envers les êtres vivants lui interdisait d'en consommer. D'après lui, chaque être vivant vient au monde avec une destinée précise, et il est inimaginable qu'un autre être vivant vienne interférer avec cette destinée. De plus, l'odeur du sang le faisait frémir de rage, de peur et de colère. Il ne comprenait pas de quel droit les 'plus forts' s'en prenaient aux plus faibles. C'était un mode de pensée qui le dépassait...

Les deux amis trouvèrent finalement quelques baies et deux ou trois fruits qu'ils avalèrent en reprenant la direction de la plage, toujours main dans la main. L'aveugle se réjouit du fait que Luva avala ce qu'il lui tendait. Ils marchèrent un moment sur le sable fin, le garçon se délectant de la douce chaleur naissante du matin caresser sa joue, et de la bise légère et tout aussi douce qui jouait avec ses cheveux.

Soudain, Luva lâcha sa main et courut vers l'océan. Ecko s'étonna tout d'abord de sa réaction qu'il trouvait étrange, mais après tout, elle paraissait heureuse, et il décida de la suivre. Elle s'arrêta devant les vagues qui venaient une à une lécher le sable et les pieds des promeneurs, inexistants ce matin. Ils étaient seul...

Luva entra alors dans l'eau. Le garçon sourit. Elle nagea quelques longues minutes dans l'eau salée, avant de ressortir et de le rejoindre. Il s'était assis sur le sable, les jambes étendues devant lui, et le visage tourné vers le ciel. Toujours. La jeune fille lui demanda alors s'il voulait se baigner, lui aussi.

L'aveugle eut un mouvement surpris... Il balbutia :

"Je... euh... je ne me suis jamais... baigné..."

Certes, il avait perçu bien des personnes le faire, y compris Luva, mais jamais il n'avait osé s'avancer au milieu des vagues... seul...

Le garçon s'était assis non loin, une fois sortie de l'eau et rhabillée, Luva le rejoint. Elle se posa près de lui pour lui demander s'il ne voulait pas se baigner. Le garçon sembla surprit de sa question. Il balbutia et répondit à l'ookami qu'il ne s'était jamais baigné. Luva fut tellement surprise que ses yeux s'ouvrirent en grand. Elle eut un mouvement de recul tant la réponse était inattendue. Elle venait à peine de s'asseoir près du garçon, pourtant d'un air décidé elle se leva d'un coup. Elle attrapa vivement la main du jeune homme, et l'empoignant elle le tira vers le haut, l'incitant à se relever.

-Viens !

Elle le tirait pour qu'il se lève comme une enfant tirerait sur la manche d'un adulte pour lui montrer quelques choses. Elle était déterminée. Elle allait montrer à Ecko ce que ça faisait de se baigner. Le garçon se laissa aller. Il se leva alors, sous la pression de Luva. Quand il fut debout la jeune fille épousseta le sable collé sur ses habits humides. Et comme précédemment elle les enleva pour aller dans l'eau, les jetant en boule près d'eux. Elle avait lâcher la main d'Ecko le temps de retirer ses vêtements mais aussitôt fait elle la lui reprit dans ses menottes déterminées. Elle le regarda un instant.. Elle hésita à lui demander de se déshabiller mais il allait être mouillé pendant un moment si elle ne l'avertissait pas, elle lui dit alors sans aucune gêne :

-Tu devrais enlever tes habits ! Tu seras tout mouillé sinon !

Luva attendit que le garçon s'exécute pour le mener vers l'eau. Elle le regarda un instant, simplement vêtu d'un caleçon. L'allure du jeune homme changea en un coup de vent. Luva lui trouva un certain charme, sa peau était toute pâle au contraire de la sienne, et dans la nuit elle ne s'était pas aperçu du contraste si grand. Le garçon était très fin, on apercevait ses côtes sous sa peau. Les yeux de la jeune fille vinrent à la rencontre des longs doigts fins d'Ecko. Elle récupéra sa main dans la sienne et doucement l'attira vers les vagues salées. Elle le guida simplement dans le sable mouillé, et laissa les vagues venir à eux, leur lécher les pieds. Elle l'entraîna ensuite, lentement, un peu plus loin. Ils s'avancèrent jusqu'à ce que l'eau leur arrive aux genoux. Elle ne lâcha pas la main du garçon. Luva était encore mouillée et la température de l'eau ne lui fit rien. Ce devait être plus dur pour Ecko qui s'était posé au soleil juste avant. Elle tourna son visage vers lui, et sourit en le voyant là dans l'eau, avec elle. Le vent emportait sa tresse qui tanguait dans son dos, et faisait voler les cheveux blancs du garçon. Elle se sentit soudain presque bien. Si des bribes de son passé ne la ramenait pas à la réalité, elle aurait presque ri aux éclats.

-Viens ! s'écria la jeune Ookami en lui empoignant le bras pour le forcer à se lever.

Devant la détermination de Luva, il se laissa faire. Il avait deviné ses intentions, ce qui n'était pas trop compliqué... Elle lui lâcha la main le temps de quelques secondes avant de la saisir de nouveau dans la sienne, encore froide... Cette fois-ci, elle paraissait non pas triste comme quelques heures avant, mais heureuse et d'esprit gamine.

-Tu devrais enlever tes habits ! Tu seras tout mouillé sinon !

Le garçon eut un mouvement de recul. Jamais personne ne lui avait demandé une telle chose... Néanmoins, il obtempéra car il avait très peu de vêtement en sa possession et n'avait aucune envie d' en abîmer... Il garda tout de même son caleçon, par pudeur.

Aussitôt, son amie l'entraîna vers les vagues, s'arrêtant un instant au bord de l'eau. Les vagues vinrent lécher leurs pieds à intervalle régulier, laissant une empreinte fraîche sur la peau du jeune garçon. Aux premiers contacts, ce dernier eut quelque mouvement de surprise, relevant instinctivement la jambe comme un flamant rose pour les éviter, sachant pertinemment que cette position ne faisait que le rendre ridicule...

Ils avancèrent un peu dans l'océan. L'eau arrivait désormais aux genoux de l'aveugle qui sursautait à chaque fois qu'une vague lui léchait les cuisses et le dos. C'était la première fois qu'Ecko se baignait. C'était un nouveau contact avec la nature. Une réflexion lui vint à l'esprit. Apparemment, cette rencontre avec la jeune fille lui donnait l'occasion de connaître plein de nouvelles chose sans le faire exprès.

A ses côtés, elle paraissait épanouie, heureuse presque...

"Elle est un peu froide, l'eau", dit-il en rigolant.

Lui aussi était heureux. Heureux de vivre...

-Elle est un peu froide, l'eau

Un presque sourire s'était dessiné sur les lèvres de la jeune fille. Elle resplendissait soudain. Elle était tellement bien auprès d'Ecko. Sa main dans la sienne lui réchauffait le cœur. Elle se sentait moins seule.

Elle vit apparaître sur la peau blanche du garçon des petites rugosités. Comme quand elle avait froid elle aussi. Elle n'aimait pas cet aspect de sa peau. Elle lâcha la main d'Ecko à contre cœur. Elle se pencha en avant et avec force elle l'aspergea d'eau. Elle gloussa un peu en voyant l'étonnement du garçon. Et elle l'arrosa de plus belle, lui envoyant des gerbes d'eau salées. Ils n'étaient pas allés bien loin dans les vagues. L'eau leur arrivait juste aux genoux, c'était suffisant.

Soudain à force de jouer dans les vagues salées, Luva perdit l'équilibre et se retrouva assise dans l'eau. Elle fut surprise d'une telle chute. Elle ne s'attendait pas à tomber à la renverse comme cela. Elle se releva difficilement avec les vagues bien que légères. Elle regarda Ecko. Elle secoua la tête comme pour remettre ses idées en place et calmement reprit la main du garçon dans la sienne. Elle arrêta de chahuter, sa petite chute l'avait étonnée et elle ne voulait pas se retrouver à nouveau prise au dépourvus, assise dans l'eau. Comme une enfant qui venait de faire une erreur, elle retrouva son calme, et sa petite moue.

Luva se lassa d'être dans l'eau, elle recula un peu. Elle allait demander à Ecko de sortir de l'eau mais elle marcha sur une chose saillante. Elle retira son pieds du sable mouillé et gémit. Elle avait du marcher sur un coquillage ou une pierre coupante, voire un morceau de verre jeté sur la plage. Cela l'avait piquée un peu. Elle entraîna Ecko sur la plage. Sortant de l'eau main dans la main. Le sable humide du bord de l'eau picota son pied avec lequel elle venait de marcher sur la chose coupante. Elle laissa sortir un OUCH ! de douleur et lâcha la main d'Ecko pour attraper son pieds. Elle se laissa alors tombée sur le sable, encore torse nu. Elle observa de plus près son pied mouillé qui lui faisait mal. Elle aperçut une entaille. Et pressant un peu sous ses doigts mouillés, une coulée de sang dégoulina le long des gouttes salées. Le sel de mer ajouté au sable sur sa blessure la piquait énormément. Elle gémit un peu voyant ce qu'elle s'était fait bêtement.

Comme pour répondre à la vérité qu'il venait d'émettre, Luva l'aspergea d'eau salée, ce qui le fit sursauter. Il avait perçu, bien évidemment, les mouvements de la jeune Ookami, car elle avait lâché sa main, mais il ne se doutait pas de ce qu'elle allait faire. Une nouvelle vague acheva de le mouiller complètement, et souriant, la surprise passée, il répondit à ses attaques de la même manière.

Ils jouèrent ainsi durant quelques minutes, avant que Luva ne perde l'équilibre et ne se retrouve assise dans l'eau de l'océan, toute étonnée. Ecko était prêt à rigoler avec elle de cette maladresse mais s'apercevant qu'elle avait l'air honteuse et qu'elle n'avait plus tellement envie de s'amuser, il lui tendit la main et la releva. Ensemble, ils allaient sortir de l'eau lorsqu'elle tressaillit, et, retirant vivement son pied de l'eau, gémit doucement, mais de douleur.

Pensant que son pied avait simplement rencontré un rocher, ils continuèrent leur chemin vers la plage. Mais en sortant définitivement de l'eau, elle poussa un cri et lâcha précipitamment la main de l'aveugle pour s'asseoir dans le sable désormais chaud à cause du soleil. L'énergie qu'elle dégage est désormais emplie de douleur. Avec douceur, mais n'ayant aucune idée de l'attitude à adopter, Ecko s'agenouille à ses côtés...

"Tu t'es blessé ?"

Il savait pertinemment que cette question était idiote et que Luva risquait de se mettre en colère, mais c'était plus une invitation à l'aider qu'autre chose. Il ne savait pas comment réagir face à cette situation. Son mentor lui avait, certes, appris à se soigner, mais seulement, il y a un SE... Les blessures sur lui-même sont beaucoup plus faciles à effacer ou refermer que sur quelqu'un d'autre étant donné que la douleur est présente où on a mal... Or Ecko ne savait justement pas où son amie avait mal...

Néanmoins, il alla chercher sa chemise et la tendit à Luva en lui recommandant de bander l'endroit où la blessure était apparente... En revanche, il ne pouvait pas faire grand'chose d'autre...

Ecko venait de s'agenouiller à côté d'elle et de lui demander si elle s'était blessée. Elle se rappela que le garçon ne voyait pas. Elle oubliait souvent ce détail. Il paraissait si normal. Il marchait, jouait, lui tenait la main comme s'il la voyait. Pourtant ses yeux étaient bel et bien blancs, vitreux, sans vie, sans mouvement. Elle posa son regard douloureux sur son visage. Et d'une petite voix lui répondit :

-Oui, je me suis coupée...

Elle avait gardé son pied entre ses doigts. Des gouttelettes de sang s'écoulait le long de celui ci. Le sel et le sable la piquait. Elle aurait aimé tremper son pied dans de l'eau douce. Elle l'essuya doucement pour retirer les grains de sables qui s'immisçaient dans sa coupure. Elle se mordit la lèvre pour ne pas gémir. Une petite larme perla au coin de son œil mais elle la retint. Elle ne pleurerait pas pour si peu. Elle se rappela alors de tous les mauvais traitements que les hommes du centre lui avait fait subir. Elle en gardait de nombreuses cicatrices sur son corps. Des brûlures par ci, des coupures pas là, des traces de coups malgré sa peau noire. Finalement heureusement que le garçon était aveugle. Elle n'avait pas honte de toutes ces marques, mais elle n'aurait pas voulu qu'on lui pose des questions. Tout ça faisait partie d'elle et elle n'avait rien à en dire. C'était son passé. Elle voulait l'oublier. Elle se dit alors que ce devait être la première blessure qu'elle s'était affligée toute seule. Et bêtement en plus. Elle sourit. L'idée de s'être fait mal toute seule lui fit du bien. Elle n'avait pas subit la fureur d'un homme en colère, ou les vices d'un homme désireux. Elle avait mal et c'était sa faute.

Elle refusa la chemise tendue par le garçon. Elle ne voulait pas qu'il salisse son vêtement pour elle. Elle se releva et marcha en claudiquant jusqu'à ses vêtements. Marchant sur la pointe pour ne pas mettre de sable sur la blessure, elle avança jusqu'à ses vêtements posés en boule un peu plus loin. Elle attrapa avec un peu de mal ses habits par terre et se rhabilla maladroitement. Elle retourna auprès du garçon maintenant habillée.

-C'est rien, dit-elle d'un ton mal assuré, ya pire

Elle finit sa phrase avec un petit sourire crispé. Elle s'assit à nouveau près d'Ecko. Rester debout sans que sa blessure ne touche le sable lui coûtait.

-Oui, je me suis coupée...

Le garçon grimaça. De toutes les blessures, les coupures étaient celles qu'il détestait le plus. Mais bon, si elle ne hurlait pas à la mort, c'est qu'elle devait toujours avoir tous ses doigts de pieds... Cette pensée le fit sourire.

Néanmoins, il redevint sérieux lorsqu'elle refusa sa chemise tendue. L'aveugle fronça les sourcils. Son mentor lui avait appris les rudiments de l'art de soigner. Et d'après ce que Ecko savait, il était primordial de stopper le flux sanguin avant que la blessure ne s'infecte. Or là, elle venait de refuser. Deux explications vinrent alors à l'esprit du garçon : soit elle était irresponsable ou suicidaire (mais il avait des doutes), soit elle ne connaissait pas les premiers gestes à adopter en cas de blessure. Bon, là, c'était une plaie bénigne, pas comme un bras cassé ou encore une hémorragie cérébrale, mais tout de même... Il se promit de revenir à la charge rapidement.

Pour ce qui en était de Luva, elle tituba jusqu'à ses vêtements et les enfila gauchement, avant de revenir s'asseoir à ses côtés. Ce qui était une très mauvaise idée, car le vent empli de sel pouvait ronger sa plaie et provoquer une gangrène dans le pire des cas, si elle s'infectait. Aussi, il alla se rhabiller à son tour, mais garda sa chemise à la main et revint vers elle :

"Il va falloir marcher un peu et trouver de l'eau douce pour désinfecter ta coupure avant que les microbes ne l'envahissent... et je t'en prie, noue quelque chose autour en attendant qu'on trouve ou tu risques d'avoir de plus en plus mal..."

-Il va falloir marcher un peu et trouver de l'eau douce pour désinfecter ta coupure avant que les microbes ne l'envahissent... et je t'en prie, noue quelque chose autour en attendant qu'on trouve ou tu risques d'avoir de plus en plus mal..

Luva regarda un instant Ecko, un peu étonnée qu'il veuille à tout prix qu'elle entoure son pied de sa chemise. Jamais on n'avait pansé ses blessures, jamais on n'avait bandé ses brûlures, jamais on ne lui avait rien appliqué sur ses plaies ouvertes. Elle était souvent restée avec des brûlures enflées, des membres rougis. Personne ne l'avait jamais soignée. Elle ne pensait pas que cette blessure était différente. Ce n'était pas grand chose. Et ce n'était pas le plus douloureux.

Elle écouta sagement le garçon qui s'inquiétait un peu peut-être. Elle n'aimait pas qu'on lui demande de faire des choses. Elle n'aimait pas qu'il la prie d'attacher le tissu autour de sa coupure. Elle était sûre que ça irait. Mais elle n'aimait pas l'expression que le visage d'Ecko laissait visible. Elle ne voulait pas le contrarier. Il avait été gentil avec elle, il avait jusqu'à maintenant beaucoup aidé la jeune fille. Il lui avait donné à manger et ils avaient trouvé un abri pour la nuit. Elle pensa un instant que peut-être il avait raison. Elle hésita. Elle ne voulait pas encombrer son pied avec un bandage. Elle regarda Ecko encore un long moment. Silencieuse. Son esprit était rebelle, et à la fois embué des paroles du garçon. Il lui parlait de microbes, d'une douleur qui allait s'amplifiait. Elle ne savait plus que croire. Il avait remis en question ses certitudes. Elle observa l'air sérieux qu'il avait depuis peu. Et avec une moue d'enfant résigné, elle prit finalement la chemise du garçon.

Assise toujours près de lui, elle essaya d'attacher le vêtement à son pied. Elle tourna la chemise dans tous les sens, la plia d'une façon, puis d'une autre. Elle n'arrivait vraiment pas à faire un bandage correct. Elle noua plusieurs fois le tissu clair sur sa coupure mais à chaque fois la forme la gênait, le nœud la serrait. Au bout de quelques minutes à remuer le vêtement pour trouver comment le mettre, Luva désespérée soupira bruyamment, et se résigna. Elle lâcha la chemise à côté d'elle et dit sur un ton un peu énervé :

-J'arrive pas !

Finalement, devant l'insistance de l'aveugle, Luva se résigna à accepter la chemise tendue et essaya de la nouer autour de son pied blessé. Mais d'après les perceptions d'Ecko, ses gestes étaient désordonnés et mal assurés. Apparemment, elle ne s'était jamais bandé quoi que ce soit... Peut-être n'en avait-elle jamais eu besoin, d'ailleurs... C'était quelque chose qu'il n'avait pas demandé à la jeune fille... Néanmoins, il doutait du fait que son amie possède des capacités régénératrices, auquel cas il aurait senti un changement d'énergie lorsqu'elle s'était coupée...

Finalement, au but de quelques tentatives infructueuses, elle lâcha, agacée, la chemise dans le sable en grognant comme un enfant le ferait :

-J'arrive pas !

Le garçon poussa un soupire amusé, avant de s'agenouiller une nouvelle fois à côté d'elle. Avec un léger tremblement, il attrapa la chemise.

"Tu peux me montrer ??"

Il ne perçut son mouvement que très succinctement, mais il suffisamment pour qu'il sache où elle avait mal exactement. Il essaya alors ensuite d'entourer délicatement sa blessure (oui, Ecko est délicat quand il le faut !!), époussetant de temps à autre son vêtement qui faisait office de bandage pour en chasser les minuscules vilains grains de sables qui s'y cachaient et qui, sous prétexte qu'Ecko ne voit pas, pensaient échapper à son courroux et sa minutie... Non mais !!

Une fois qu'il eut fini, il se releva, pencha la tête de côté et déclara :

"Voilà, ça devrait tenir un moment et empêcher les méchants microbes de rentrer... mais je pense qu'il va quand même falloir marcher un peu pour trouver de l'eau douce, non seulement pour la nettoyer, mais aussi parce que je commence à avoir soif..."

Il releva la tête :

"Pas toi ?? -puis il ajouta- et si tu ne peux pas marcher, dis-le, je te porterai..."

Ecko demanda à Luva de lui montrer où elle avait mal. Elle lui pointa du doigt la coupure sur le creux de son pied. Il prit la chemise et il tenta d'enrouler le vêtement délicatement autour du pied de la jeune fille. Ses mouvements étaient doux, et Luva ne sentit rien. Quand il eut terminé le bandage il se releva et dit :

-Voilà, ça devrait tenir un moment et empêcher les méchants microbes de rentrer... mais je pense qu'il va quand même falloir marcher un peu pour trouver de l'eau douce, non seulement pour la nettoyer, mais aussi parce que je commence à avoir soif... Pas toi ?? et si tu ne peux pas marcher, dis-le, je te porterai...

Luva le dévisagea. Elle ne se laisserait porter par personne, elle ne voulait dépendre que d'elle même. Elle se débrouillerait ! Elle regarda ensuite silencieusement le pansement de fortune que le garçon venait de faire à sa coupure. Elle bougea son pied, ça ne la gênait pas trop, ça irait. Elle se releva tout comme le garçon, et récupérant ses doigts fins entre les siens elle le remercia. Elle ajouta ensuite :

-Moi aussi j'ai soif. Mais je peux marcher toute seule !

Elle garda la main du garçon serrée dans la sienne. Sa blessure ne lui faisait pas très mal mais elle n'avait pas l'habitude de marcher avec ce bandage. Elle claudiquait un peu et trébuchait parfois. Ils partirent en silence à la recherche d'une quelconque source d'eau douce en espérant qu'ils en trouvent une rapidement. Luva ne sachant que dire pour une fois, et n'ayant aucune question au bout de la langue se mit à mordre machinalement sa langue.

Cela faisait déjà une journée entière que Luva avait rencontré le garçon sur cette plage. Elle avait pourtant l'impression qu'ils étaient proches comme s'ils se connaissaient depuis des années. Comment se faisait-il ? D'où une telle impression était-elle née chez Luva ? Elle aimait bien Ecko, il était gentil. Elle n'avait jamais rencontré personne d'aussi doux avec elle. Et elle ne voulait pas se retrouver toute seule sans connaître cette île. Elle espérait pouvoir rester auprès de lui le temps qu'il lui apprenne ce qu'il fallait savoir sur ce nouveau territoire.

Luva se redressa, reprenant les doigts de l'aveugle entre les siens. Apparemment, elle ne voulait pas qu'il la porte. Elle voulait marcher seule. Elle lui dit que ça irait... Ecko soupçonna un petit peu de fierté dans ces paroles...

Néanmoins, il respecta son choix et commença à marcher avec elle. Elle lui dit qu'elle aussi, elle avait soif. Lentement, au rythme du pas claudiquant de l'Ookami, ils s'éloignèrent de l'océan, laissant derrière eux la plage de leur rencontre, le marchand de sandwiches, et la grotte où ils avaient passé la nuit. Une partie de son histoire, et sans doute de l'histoire de Luva, était derrière eux désormais... Mais une autre page s'écrivait à chaque instant...

Ils marchèrent longtemps, lentement, sous le soleil qui était maintenant haut dans le ciel, et les rouait de coups. Ecko sentait sa peau brûler et c'est pour cette raison qu'il recherchait constamment de l'ombre. Néanmoins, il se taisait. Il avait connu pire, dans les landes brumeuses... Il faisait attention à Luva, guettant le moindre des ses gestes pour éviter qu'elle ne tombe... Elle claudiquait, essayant de marcher convenablement, mais il savait qu'elle n'y arriverait pas... pas avec sa blessure...

Bientôt, la forêt apparut devant eux. Ecko grommela. Ce n'était pas une bonne idée de s'y enfoncer, étant donné que c'était en général un nid à microbes et bactéries, mais il entendit le doux son de l'eau non loin. Il se résigna donc à suivre le sentier.

Il écouta les oiseaux, les insectes, les bruits du vent dans les arbres. Et le bruit de l'eau qui se rapprochait de plus en plus. L'aveugle scruta les moindres craquements, les moindres bruits suspects. Il s'était déjà fait attaqué dans une forêt, et n'avait aucune envie de réitérer l'expérience...

Soudain, ils débouchèrent sur une minuscule clairière où coulait un mince ruisseau. A gauche, des rochers où l'eau se précipitait en cascade dans un bruit sourd de gouttelettes éclatées... joli... Il se pencha pour boire...

Ils se mirent en route, quittèrent la plage, la laissant derrière eux, s'éloignant des vagues. Luva boitait un peu avec sa blessure. Mais elle avançait silencieusement, serrant les doigts d'Ecko quand elle trébuchait. Le soleil brillait haut dans le ciel. Luva appréciait les rayons brûlants sur sa peau brune. Elle aimait sentir la chaleur sur elle, elle adorait cette sensation de caresse sur sa peau dénudée. Le soleil déposait un hâle sucré sur elle. Sa peau chocolat luisait sous la lumière solaire. Elle remarqua que le garçon cherchait l'ombre, peut être n'aimait-il pas le soleil. Elle regarda la peau d'Ecko, il rougissait à force de restait à la lumière, il évitait les zones lumineuses. Le soleil le brûlait. Elle se laissait donc attirer vers les zones ombragées quand il y en avait. Elle laissait la lumière du soleil derrière elle, à contre cœur, pour suivre le garçon quand il allait se réfugier à l'ombre.

Ils marchèrent longuement en silence. Bizarrement Luva ne disait mot, elle n'avait aucune question sur le bout de la langue. Elle appréciait ce silence reposant qui s'installait entre eux deux, elle aimait beaucoup la présence de ce garçon. Elle s'en étonnait toujours, mais il était vraiment différent des autres. Ils avancèrent jusqu'à une forêt.

Quand ils entrèrent entre les fourrages et les hauts arbres de cette forêt, Ecko sembla concentrer son attention sur tout ce qui les entourait. Luva serra ses doigts autour de sa main. Ils marchèrent doucement entre les mousses, fougères et autres végétaux qui rendaient plus difficile l'évolution de Luva avec son pieds bandé. Ecko la guida jusqu'à une clairière. Là ils trouvèrent un filet d'eau claire qui coulait finement au milieu de l'herbe. Le petit ruisseau chantait sur la terre. C'était doux et très beau.

Ecko s'avança vers cette eau douce, et se pencha pour boire. Luva le suivit et s'assit en tailleur près de lui. L'herbe était fraîche et douce, c'était agréable. Elle enleva le bandage délicatement attaché par le garçon, elle dénoua la chemise. Elle posa le vêtement à coté d'elle et trempa sa main dans l'eau froide pour rincer sa plaie. Elle nettoya son pied doucement. Une fois cela terminé elle trempa son visage dans l'eau pour boire quelques gorgée. Elle attrapa ensuite la chemise tâchée de sang et de terre et la mit dans l'eau. Elle frotta un peu sur les tâches pour tenter de la nettoyer mais elle ne parvint pas à tout enlever. Le sang séché était tenace. Elle regarda alors le garçon désolée et dit d'une petite voix honteuse :

-C'est tout sale...

L'eau s'écoula rapidement dans la gorge et le ventre du garçon, ce qui lui fit pour effet de le rafraîchir un peu après ces heures passées au soleil... A ses côtés, Luva nettoya sa plaie, comme il le lui avait conseillé. Il s'en réjouit intérieurement. Au moins, elle ne s'infecterait pas... C'était une base indéniable de la voie de la guérison. En effet, si une blessure, même bénigne comme par exemple une simple écorchure s'infectait, la gangrène n'était jamais loin et un membre gangrené ne pouvait que difficilement se faire soigner... encore fallait-il être médecin ou magicien...

Soudain, elle fit un geste qu'il ne comprit que plus tard, lorsqu'elle lui tendit sa chemise. Elle trempa cette dernière dans l'eau, la frotta, et la leva à hauteur de son visage :

-C'est tout sale...

Sale ?? Ecko ne connaissait ce mot que succinctement... il n'avait pas véritablement de notion de 'sale' ou de son opposé, le 'propre'. Pour lui, un vêtement ou un objet était un vêtement ou un objet. Quelle importance que ce soit sale ??

Il reprit sa chemise que son amie lui tendait. Elle était toute mouillée, et le garçon eut du mal à l'enfiler. Il resta même un instant coincé et entendit Luva pouffer à côté de lui. Cela le fit rire aussi et il prit une voix faussement énervée :

"Dites donc jeune fille !!"

Puis une fois qu'il l'eut enfilée, il vint s'asseoir à côté d'elle et se mit à lui parler des forêts d'Erya... il en avait parcouru plusieurs, et savait de quoi elles étaient peuplées. Il se dit que, comme ils n'allaient pas rester éternellement ensemble, il serait utile à la jeune fille de savoir à quoi s'attendre... mais décrire des endroits d'un point de vue sans vue justement à quelqu'un qui pouvait voir était quelque peu compliqué...

Ecko eut un peu de mal à enfiler la chemise que Luva venait de mouiller pour la nettoyer un peu. Il ne sembla pas comprendre ce que sale voulait dire. Il remit le vêtement difficilement ce qui fit rire un peu Luva.

Quand il eut réussit à se rhabiller, il vint se poser près de la jeune fille. Il lui raconta tout un tas de choses à propos des forêts. Il lui parla des arbres, des animaux, des plantes... Il lui indiqua les dangers, les odeurs, les indices à ne pas suivre. Il lui expliqua tout pleins de choses. Et Luva l'écoutait. Elle le regardait calmement sans rien dire. Elle se laissait bercer par sa voix et essayer de retenir attentivement tout ce qu'il lui disait mais c'était compliqué de se rappeler de tout.

Quand la voix du jeune homme retomba, laissant un pause silencieuse. Luva se coucha dans l'herbe fraîche. Étendue de tout son long, positionnée avec les bras en étoile sur ce sol si doux, elle regarda le ciel. Le petit ruisseau qu'ils venaient de trouver se situait dans une clairière. À cet endroit les arbres laissaient apparaître un morceau de ciel bleu entre leurs ramures si foncées. C'était un bout de lumière dans la sombre forêt. Un peu d'espoir dans une obscurité cauchemardesque.

L'ookami admira le ciel bleu dans lequel flottaient quelques nuages. Ils avaient des formes plus ou moins nettes. Ils se déchiraient, fusionnaient, dessinaient des monstres rigolos, des paysages fantastiques... Luva se laissa porter par les rêves qu'ils amenaient. Elle se laissa emporter dans ce monde que le ciel lui proposait. Elle s'assoupit sans s'en rendre compte, absorbée par cette lumière comme divine, par ces nuages si gracieux. Quand elle s'aperçut qu'elle avait quitté un instant le monde réel, elle se releva et s'appuyant sur ses coudes, regarda Ecko silencieux. Elle jeta à nouveau un coup d'oeil au ciel et vit un nuage en forme de loup, elle fut surprise et ne put s'empêcher de partager sa vision avec le jeune homme :

-Oh un loup dans les nuages !! C'est drôle.