Beau matin frais, les gouttes de rosée déposées délicatement sur les brins d'herbes, scintillaient sous le soleil levant. Le calme olympien régnant sur cet endroit fut légèrement troublé par une petite fée d'un âge incertain, se réveillant d'une nuit pleine de rêves. La créature des eaux se leva doucement, et battit des paupières pour chasser les perles qui s'étaient accrochées à ses cils durant la nuit. Elle s'étira, resta immobile un instant, contemplant la nature autour d'elle, et l'ombre d'un sourire apparut sur son visage. Elle déploya ses ailes humides pour voler jusqu'à un immense miroir. La fée s'agenouilla à son bord et s'observa un instant, remarquant que son visage avait changé. Imperceptiblement. Elle ne semblait plus autant accablée, quoiqu'encore un peu. Plus heureuse. Oui, c'est ça. La créature trempa ensuite un doigt dans l'eau -plutôt froide, parfaite- qui fut suivit du reste de son corps. Elle plongea entièrement, pataugea de longues minutes, puis s'assit sur la rive. Elle soupira, resta encore un peu immobile, profitant du silence régnant, et se souleva doucement avec ses ailes pour se remettre debout. S'étira encore. Marcha jusqu'à un coin, minuscule clairière, repéré la veille. Elle se demanda un instant si elle pouvait aller déranger son futur voisin maintenant, ou si elle devait attendre. Sans savoir, elle commença plutôt à faire un plan, agenouillée, qu'elle recommença une ou deux fois. Lorsqu'il fut parfait, Arkaële s'assit, replia les jambes, genoux sous son menton, yeux rivés sur un point quelconque, s'imaginant sa future, modeste maisonnette.

Arkaële avait fait le choix de laisser Amertume venir quand il le voudrait. Elle l'avait assez ennuyé, il pouvait bien prendre son temps. Lorsque le soleil fut haut dans le ciel, à son zénith, elle s'éloigna une petite demi-heure, prenant tout ce qui était bon à manger comme fruits, déterra même quelques racines très sucrées. Revenant là où elle était assise avant, elle déposa le tout -ce n'était tout de même pas grand chose- sur l'herbe, désormais sèche, et commença à grignoter quelques mûres sauvages. Un délice. C'est alors que la fée entendit des pas, elle connaissait cette démarche. Elle leva les yeux vers Amertume, lui sourit.

"-Bonjour."

Elle ne lui en voulait pas du tout d'arriver à cette heure. De toute façon, ils n'avaient rien prévu, n'est-ce pas? Lorsque le jeune homme entra dans la lumière, la créature fronça imperceptiblement les sourcils. Il n'avait pas vraiment l'air dans son assiette. Elle pencha la tête et désigna son repas frugal.

"-Tu veux manger quelque chose? Désolée, je n'ai que ça à te proposer..."

Arkaële ne fit aucun commentaire. Elle n'en faisait que rarement, et à l'instant, elle avait bien compris qu'il ne valait mieux pas en faire. Généralement, elle ne se trompait pas trop pour ça. Elle mangea encore... Une sorte de prune... Mini prune et se leva. Elle finirait plus tard. Maintenant qu'il était là, autant ne pas le faire attendre. Elle réfléchit à sa question.

"-Non. Du bois. Je n'aime pas trop le... Euh.. Ciment...? Et tout ça."

Parce que, si elle se souvenait bien, ce n'était pas trop... Naturel, toutes ces matières là. Bon, elle n'était pas calée dans ce domaine, mais de toute façon, ce qu'elle connaissait le mieux, c'était le bois. Adjugé. Elle regarda le jeune homme.

"-Euuh... Qu'est-ce que... Je dois faire?"

Arkaële le regarda réfléchir, avec le plan, faire des choses qu'elle ne comprendrait qu'avec beaucoup de temps. Elle fut un peu embêtée de ne rien faire, mais, au fond, elle savait qu'elle n'aurait peut-être pas su le faire. Et puis, il ne semblait pas vraiment vouloir être dérangé. Elle réfléchit à ce qu'elle pourrait faire pendant ce temps. Elle devait trouver de la paille. Oui, elle devait bien dormir sur quelque chose. Un matelas en l'occurrence. Et, n'ayant pas le rembourrage adéquat, elle se ferait un matelas de paille. Ca pouvait être plutôt confortable, quand on trouvait ce qu'il fallait. Et du tissu. Ou des morceau de tissu. Oui, il lui fallait tout ça. Elle n'allait surement pas savoir réunir tout ça en une fois, donc, elle commencerait par le tissu. Pour cela, elle aurait besoin de se rendre en ville.
Elle souffla, vola pendant une bonne heure. Arrivée en ville, il lui fallut alors trouver un marchand de tissu. Où pouvait-on trouver ça? Prenant son courage à deux mains, elle demanda à un habitant. Charmant. La fée en fut plutôt surprise, d'ailleurs. Elle marcha jusqu'à l'échoppe, où le commerçant voulu bien lui donner ce qu'elle voulait, à condition qu'elle lui rende service. Cela l'ennuyait un peu, mais elle le fit. Étant vieux, le marchand ne savait plus soulever grand chose et la fée du déménager ce qu'il lui sembla la moitié de sa maison. Cela fait, le gentil commerçant lui donna ce qu'elle voulait. Exténuée, elle vola jusqu'au lac, et, durant le chemin, elle réfléchit beaucoup, les gens avaient été si gentils. Pourquoi avait-elle eu peur d'aller en ville?
Lorsqu'elle fut de retour, la fée se laissa tomber contre un arbre.

ARkaële leva les yeux sur le meurtrier. Elle hocha la tête en marmonnant:

"-Mmmh... Vi... Un peu."

Mais bon, au moins, elle l'avait son précieux tissu. Elle fit craquer son dos -peu féminin- et se leva. Elle observa alors ce que le jeune homme avait fait, et ouvrit de grands yeux.

"-Waaaah! C'est génial!"

Elle pencha a tête. Ca aussi ça avait du être exténuant. Elle fit quelques pas, quelque peu admirative.

"-T'as bossé sans t'arrêter là? Faut faire des pauses, hein... Pas envie qu'tu t'évanouisses eh."

Arkaële hocha la tête.

"-Hm. C'est bien."

Elle soupira. Elle se retourna et marcha sur une écharde. Aïe. Elle grimaça et plia sa jambe, de façon à ce qu'elle voie la plante de son pied, pour y retirer le très fin morceau de bois. Hm, ce n'était pas profond du tout, elle ne sentirait rien en marchant. Enlevé, elle regarda un instant le morceau. Fallait aussi qu'elle se fabrique une aiguille. Elle entendit la voix du jeune homme et tourna la tête.

"-Moui. Les gens ont été... ils ont été...Très... Gentils."

Elle avait eu du mal de le dire, parce qu'elle n'y croyait pas encore. Certes, elle essayait toujours de trouver le bon côté de chacun. Mais là, elle n'avait pas eu à chercher, simplement. Elle qui avait si peur de se retrouver avec trop de monde, elle avait un instant oublié cette crainte, dans la boutique. En fait, elle essayait toujours de trouver un bon côté, parce qu'elle avait peur du mauvais côté de quelqu'un.

Arkaële haussa les épaules, ne sachant que répondre. Elle ne savait pas pourquoi elle était comme ça, pourquoi elle avait peur. Elle l'était, c'est tout. La fée ramassa un petit bois de bois qu'elle commença à tailler avec une petite pierre aiguisée. Une fois que le morceau de bois ressembla à une sorte de demi-cure dent, elle fit un petit trou sur la partie la plus large. Bon, ce n 'était pas aussi bien qu'une aiguille en os, ou en métal, mais ça ferait parfaitement l'affaire.
Elle tourna vivement la tête vers Amertume.

"-Euuh... Peu importe, prends tout le temps qu'il te faudra!"

Moui, c'était mieux ainsi. Elle le regarda encore un instant, puis baissa la tête sur son tissu, qu'elle avait choisi d'un bleu-mauve foncé. Elle entreprit de défaire un huitième du morceau de tissu qu'elle avait réussit à avoir. Ainsi, elle aurait du fil pour coudre. Elle passa le-dit fil par le chas de son aiguille et commença à coudre, de sorte à faire un sac très fin, qui lui servirait de matelas.

Après toute ces années à voyager et à recoudre sa robe, Arkaële était passée experte dans l'art de la couture. Elle ne se piqua qu'une seule fois, mais s'était piquée des milliers de fois auparavant, sa peau bleuâtre fut à peine percée. Oui, elle en avait de la corne maintenant! Et la housse pour son matelas avançait à une vitesse fulgurante. Elle observa son travail un instant. Mmh. Elle en avait pris pas mal, elle saurait à coup sûr se faire autre chose avec le tissu qui restait.
Quelle hauteur? La fée jeta un coup d'œil à la maison et au jeune homme. Elle était plus petite que lui: difficile d'être plus grand que quelqu'un de cet âge, quand on est une fée comme elle, même adulte. Et les murs lui arrivaient aux épaules, c'est-à-dire, presque au dessus de la tête de la créature. Elle compta mentalement.

"-Encore... Un petit mètre?"

La fée était retournée à son travail et était totalement absorbée par celui-ci. Elle ne s'aperçut pas que le soleil déclinait dans le ciel, ni que le jeune homme s'était un instant arrêté, qu'il avait allumé une nouvelle cigarette, totalement superflue, cela-dit. Arka s'était plutôt vite habituée à l'odeur de tabac avec ces pointes de goudron et autres substances. Elle sursauta légèrement lorsqu'Amertume lui parla. Elel releva la tête, l'image de l'aiguille courant sur le tissu encore devant ses yeux.

"-Mmh?"

Ah oui, la phrase était seulement en train de se décoder dans son esprit.

"-Ah.. euuh.. Oui... C'est que... J'ai l'habitude... Ça fait... Beaucoup d'années que je couds toute sortes de choses..."

Phrases superflues, elles aussi, mais ça ne lui faisait jamais de mal de parler un peu. Elle le vit bailler et baissa un instant les yeux sur son ouvrage. C'est à ce moment qu'elle remarqua qu'il commençait à faire sombre.

"-Tu peux... Finir demain, si tu veux."

La fée avait presque finit sa housse lorsqu'elle entendit un bruit. Ah, Amertume venait de finir le mur. Elle posa tout où elle était assise. Elle ne s'était pas rendue compte d'être restée assise si longtemps, jusqu'à ce qu'elle se lève, et que ses jambes protestent. Elle les étendit et marcha vers le jeune homme, jeta un regard vers la construction, et lui sourit.

"-C'est génial. Merci."

Elle voyait qu'il avait besoin de dormir, c'était flagrant. Elle n'osa pas lui proposer à manger, de toute façon, elle était sûre qu'il préférait la nourriture de chez lui. Cette nourriture étrange. Elle inclina sa tête.

"-Eh bien, à demain, alors?"

La créature regarda encore un instant les murs: ça promettait d'être joliiii. Elle vola ensuite jusqu'à son travail, se pencha pour le ramasser. Mais elle s'arrêta dans son élan lorsqu'Amertume l'interpela. Elle releva la tête, surprise. Arka désigna le pied d'un imposant chêne, dont quelques grosses racines émergeaient du sol pour former une sorte de creux.

"-Là."

Elle dit cela comme si c'était l'évidence même. Le creux était presque à sa taille, un peu plus grand, ce qui lui offrait un peu de place si elle voulait s'étendre plus.

"-C'est gentil..."

Mais Arkaële n'avait pas l'intention d'y aller. Non. Parce qu'elle allait coudre. Toute la nuit s'il le fallait. Et le jeune homme devait dormir, pas entendre pendant des heures le bruit des froissement du tissu. La fée ramassa cette fois son travail et son aiguille. Elle marcha jusqu'au chêne où elle avait dormit la nuit dernière et finit en une heure à peine sa housse. Elle chercha ensuite quelque chose d'aiguisé pour découper le tissu superflu. Cela fait, elle entreprit de replier les bords sur eux même et de les coudre ainsi, pour ne pas que les bords s'effilochent. Bien sûr, il faudrait qu'elle double cette couverture, mais au moins, elle aurait déjà quelque chose. Travailler dans le noir ne la dérangeait pas, de un, parce qu'elle savait exactement ce qu'elle devait faire -elle aurait pu coudre les yeux fermés-, et ensuite parce que la lune l'éclairait suffisamment, elle s'habituait très vite au noir de surcroît. Lorsqu'elle eut fini, elle cassa son aiguille en deux et la jeta. De toute façon, elle pouvait s'en faire à n'importe quel moment. La fée roula tout son tissu en boule et posa sa tête dessus. Elle s'endormit presque instantanément... Mais il ne restait plus beaucoup de temps avant l'aube...

[ me too ^^ ]


Arkaële fronça les sourcils. Il faisait fortement clair, là, non? Elle tenta d'ouvrir un œil, puis l'autre. Tss, elle n'aurait pas dû faire ça toute a nuit. Car elle était incapable de dormir lorsqu'il faisait clair, aussi fatiguée soit-elle. Elle soupira, bâilla, et redressa la tête en fronçant les sourcils, éblouie. Elle entendit au loin qu'on coupait un arbre; cela devait être Amertume. Il était venu plus tôt ce matin. La fée s'assit et s'étira, se dirigea ensuite vers le lac, passage obligé. Elle se mouilla un peu et plongea son visage dans l'eau fraîche pour se réveiller.

"-Waaaah..."

Elle secoua la tête et se redressa, mains sur les hanches. Bon, aujourd'hui, opération rembourrage.