Elena était pressée.Elle venait à peine de terminer sa dernière mission qu'un ange messager était déjà venu lui annoncer qu'un nouvel être humain en détresse avait besoin de ses services.Elle qui pensait pouvoir prendre un peu de vaccances... son projet venait de tomber à l'eau...
*Ah ces humains! Toujours à s'attirer des ennuis!*, pensa-t-elle.
Celui-ci se touvait dans une situation plutôt délicate: si il ne rendait pas très rapidement une somme d'argent à des voyous (argent qu'il ne leur avait, soit dit en passant, jamais emprunté), ceux-ci s'en prendraient à sa fiancé. Il était évident que l'homme ne disposait absolument pas d'une telle somme d'argent.
Elena avait déjà préparé un plan d'attaque afin de sortir le pauvre homme de cette galère. Elle avait l'habitude et était donc parée à toutes les éventualités. Mais en arrivant à la rivière des anges elle s'était attendue à tout, sauf à ça...

Dix-neuf heures. Une rue plongée dans la pénombre d'une nuit d'hiver, éclairée toutefois à quelques endroits par la lumière artificielle des réverbères. Dans cette rue quasiment déserte, que seules balayaient les feuilles jaunies tombées la saison dernière, l'ombre d'une jeune fille avançait d'un pas traînant. Ces cheveux attachés en une natte serrée à l'arrière de sa tête formaient une longue traînée noire sur son dos. Sa frange se soulevait à chaque courant d'air frais. Elle frissonna.

*C'est fou ce qu'il peut faire froid, quand le vent souffle !*

Elle cessa de marcher au beau milieu de la route et sembla réfléchir, le regard vide de toute expression. Puis, aussi soudainement qu'elle se fut arrêté, elle se remit en marche vers un des bosquets qui ornaient chaque côtés de la rue. Arrivée à destination, elle se mit sur les genoux et cueillit quelques plantes.

*Enfin ! "Les larmes d'ange" ! Je les ai trouvées ! Ma potion sera terminée demain !*

Envahie de bonheur, elle se releva très brusquement et descendit dans de grandes foulées la rue. Dans son emportement de joie, elle ne vit pas le poteau qui se dressait devant sa route. C'est de plein fouet, qu'elle le percuta. Sonnée, sa tête tournante et son nez saignant montrant la force et la brutalité du choc, Melody resta coite, debout, seule, face au poteau coupable de son état actuel sans pour autant le voir. Dans sa tête, les pensées se mélangeaient allègrement, telles des ingrédients dans un chaudron. Dans son trouble, elle n'eut l'occasion d'apercevoir l'ange qui descendait de son lieu de résidence à ce moment précis, baignant la rue de sa lumière corporelle.

"ça" Oui c'était le mot qui convenait le mieux à decrire la situation actuelle.Elena venait d'assister à une scène insolite qu'en temps normal elle aurait trouvée très drôle...
Une fille, d'environ son âge, qui se balladait toute seule au beau milieu de la nuit courait à toute blindes dans sa direction, un sourire totallement niais fiché sur le visage et là, le crash... La fille en question heurte le seul et unique poteau du coin de plein fouet...

*Décidément, il m'arrive des choses étranges aujourd'hui*, pensa Elena tout en poussant un soupire de lassitude.

La pauvre demoiselle saignait abondemment du nez et semblait complêtement déboussolée. Heureusement, elle n'avait absolument pas remarqué Elena qui venait d'atterir (pas vraiment discrètement d'ailleurs) pile devant elle. Celle-ci s'empressa de retracter ses ailes et ainsi prendre une apparence plus "humaine" et s'approcha rapidement de la blessée...

*Je suis pressée mais ce n'ait pas une raison pour la laisser toute seule dans cet état*,pensa-t-elle.

-Excuse-moi, tout va bien? Tu ne t'ai pas fait trop mal?

Melody vacillait, passant le poids de son corps en total déséquilibre d'un pied à l'autre. A travers ses lèvres entrouvertes, elle pouvait sentir le goût salé de son sang. L'ange, qui venait de cacher sa véritable identité à ses yeux, se rapprocha de la pauvre blessée qui commençait déjà à murmurer des paroles compréhensibles de elle seule à travers sa bouche aux lèvres fines. La jeune créature du ciel avait un air étonné, mais teinté d'inquiétude sur le visage.

Excuse-moi, tout va bien? Tu ne t'ai pas fait trop mal?

La mage n'entendait que des monceaux de paroles à travers le voile qu'était devenue son ouïe. N'ayant donc pas compris le sens de la phrase, ni même entr'aperçu la jeune fille qui lui faisait face, elle ne répondit que par un baragouinage.

"C'est fou ce qu'il fait beau aujourd'hui ! Tiens ! Il y a un lapin qui se promène derrière vous !"

Elle pointa de la main gauche un point derrière l'épaule de son interlocutrice, dans le pesant vide noir. Elle sembla soudainement tomber, comme si ces quelques paroles lui avaient coûté tout l'énergie de son corps blessé. D'un geste rapide et aérien, elle se rattrapa au poteau coupable de son état. Elle serrait toujours dans sa main droite, les plantes qu'elle avait préalablement cueillies. Sous le coup d'une brusque folie, elle se mit à les sentir et à en orner ses longs cheveux noirs tressés. Elle en offrit à la personne face à elle.

"Vous en voulez ? Elles sentent très bon... et puis... elles sont si jolies !"

La pauvre fille délirait complètement. Elle racontait n'importe quoi et en plus elle voyait des lapins! Elena réfléchissait à un moyen de l'emener, de gré ou de force dans un endroit où elle pourrait s'alonger et se reposer. Il fallait absolument qu'Elena arriva à soigner cette blessure, le choc ayant dû lui causer de multiples contusions plus ou moins graves. A ce moment là, elle remarqua que la blessée avait commencé à orner se chevelure avec de drôle de fleurs sorties d'on ne sait où. Poursuivant ses élucubrations ayant ni queue ni tête, la demoiselle s'addressa soudain à Elena:

"Vous en voulez ? Elles sentent très bon... et puis... elles sont si jolies !"

"Euh non merci, répondit l'ange, venez plutôt avec moi pour que je puisse soigner cette vilaine blessure et... une petite minute... mais... qu'est-ce-que?..."

*Les larmes d'ange?!!! Mais qu'est-ce-que cette fille fabrique avec des fleurs aussi puissantes! A-t-elle la moindre idée de la puissance qu'elle tient entre ses doigts?! Au paradis, on les broie pour en faire une poudre utilisée pour fabriquée les armes de l'armée angélique mais, il est très rare de les trouver sur Terre pourtant... Etrange... Il faut absolument que j'arrive à en savoir plus sur cette mystérieuse jeune fille...*

Pendant ce temps, la jeune fille continuait à délirer et sautait à présent en l'air comme pour attraper des papillons, inexistants bien entendu. Et c'est à ce moment là que, s'arrêtant étrangement de sauter, la jeune fille s'ecroula et elle se serait probablement fracassée la tête une seconde fois si Elena ne l'avait pas rattapée inextremis. Devant son état catastrophique, cette-dernière décida d'emener la victime avec elle au paradis afin de lui prodiguer des soins médicaux dignent de ce nom. Sur ceux, elle souleva difficilement la jeune fille, déploya ses ailes et s'envola...

Alors qu'elle proposait ses fleurs cueillies plus tôt, afin de terminer une des potions la plus importante et difficile qui lui avait été donné d'exécuter, à la jeune fille qui lui faisait face, elle observa tous ses faits et gestes avec l'espoir secret que la personne face à elle accepte son "présent". Les expressions de l'ange passèrent de l'inquiétude, à la surprise, causée par le geste de Melody. Après un court silence, suffisant à la jeune ange songeuse pour reprendre entière possession de ses facultés physiques et mentales et d'analyser la situation, l'interlocutrice de la mage fit de rapides signes négatifs de la tête et mit ses mains dressées telles des barrières face à sa poitrine, refusant ainsi les fleurs qui lui était offertes.

"Euh non merci ! Venez plutôt avec moi pour que je puisse soigner cette vilaine blessure et... une petite minute... mais... qu'est-ce-que?..."

A l'entente de cette réponse prononcée fermement dans un ton catégorique, Melody sentit son coeur se serrer dans sa poitrine. Les larmes étaient prêtes à couler de ses yeux quand elle aperçut un papillon aux coulours vives et claires voleter devant ses yeux larmayant et se poser sur son nez. A partir de ce moment, son âme d'enfant refit surface et une sorte de joie de vivre et d'optimisme envahirent tout son être. Elle frissonna de bien-être. Ce brusque mouvement fit s'enfuir le fébrile insecte perché sur son nez.

"Eh ! Mais pourquoi tu pars ? Attends !"

Elle se mit alors à poursuivre le petit animal volant, mais trop rapide pour elle, la jeune fille finit par s'essouffler. Respirant bruyamment et difficilement, elle s'accouda à un arbre voinsin. Ce qu'elle vit alors la stupéfia. L'unique papillon, qu'elle avait tenté tant bien que mal d'attraper et tapant les paumes de ses deux mains l'une contre l'autre, avait à présent rejoint tout un groupe de ses congénères et, ensemble, ils formaient des figures quelque peu étonnantes dans les airs. Fascinée, Melody se rapprocha du groupe de frêles volatiles et ils se mirent à tourner autour d'elle. La jeune mage, les yeux pétillants, était émerveillée par le ballet aérien des petites bêtes qui l'entouraient. Mais, aussi soudainement le groupe était apparu, qu'il disparut à nouveau.
Un mal de tête horrible la déchira. Joyeuse l'instant précédent, elle n'était plus que cris et larmes. Elle se tint la tête entre ses fines mains et se retint d'hurler sa douleur à qui voudrait l'entendre. Sa vision se troubla jusqu'à devenir obscure et troublante. C'est alors que Melody crut sentir sa tête exploser, tellement la douleur devint atroce et insurportable. Cessant la lutte, elle se laissa tomber en arrière, abandonnant tout espoir de survie suite à ce mal atroce. A travers le voile qui couvrait ses oreilles empêchant toute bonne audition, des bruits, qui semblaient être ceux d'une personne qui se déplaçait rapidement, résonnèrent dans ses organes auditifs. Avant de l'obscurité la plus profonde, la jeune mage sentit une paire de bras empêcher sa chute et la soulever péniblement. Rassemblant son restant de force, Melody murmura assez péniblement:

"Merci.."

"Merci"

C'est tout ce qu'Elena avait pu entendre avant que la pauvre jeune fille ne sombre dans l'inconscience.

*Le paradis hein... c'est bien beau d'avoir des idées lumineuses mais quand on y repense, on se rend compte qu'elles sont plutôt ombrageuses... Jamais je ne pourrais l'emmener jusqu'à chez moi, les anges qui gardent les portes du paradis refusent catégoriquement qu'on y amène des êtres humains...*

Elena poussa alors un soupir de lassitude et de découragement.

*Et dire que j'avais une misson importante à remplir... Et puis c'est pas tout, elle pèse son poids la demoiselle!*

C'est à ce moment là que la pluie se mit à tomber... Pas une simple petite averse, non, un véritable déluge accentué par des grondements de tonnerre et des éclairs.

*Et voilà, moi qui pensait que la situation ne pouvait pas être pire on dirait bien que je me suis trompée. Mais qu'est ce que j"ai fait au ciel pour qu'il me punisse de la sorte? Bon, je doit absolument trouvé un endroit où nous abriter.*

Soudain, Elena aperçu une grotte dans les montagnes qui surplombaient la rivière. Ni une ni deux elle changea de direction et se dépecha d'aller vers la grotte qu'elle atteignit rapidement.

*Ici au moins, on sera en sécurité.*

C'est alors qu'elle remarqua la besace que portait la jeune fille. Elle l'ouvrit et quelle ne fut pas sa surprise quand elle y découvrit tout un tas de plantes et d'herbes généralement utilisée pour faire des potions magiques.

*Je crois avoir enfin compris... cette fille est probablement une magicienne! Ce qui expliquerais aussi la présence des larmes d'anges en sa possession. Voyons... ces deux plantes devraient me permettre de désinfecter sa blessure et... hum... celle-ci pourrait faire office de pansement.*

Elena se mit immédiatement au travail. Elle était si concentrée qu'elle ne remarqua pas que la magicienne avait bougé et qu'elle commencait à reprendre conscience...

"Noir" et "Ténèbres" étaient les deux termes qui correspondaient fortement à l'environnement dans lequel je me trouvais. Dans mon songe, je me voyais, si petite face à ce grand vide, un rien face à l'immensité du gouffre ténébreux qui m'entourait. J'avais beau rechercher à tâtons dans le noir un quelconque objet, je me retrouvais après maintes efforts acharnés comme le seul être, matériellement parlant, dans cet étrange monde qui avait pris forme dans mon imagination. Je me mis alors à espérer qu'en criant ou parlant, les ondes sonores provenant de mes cordes vocales se propageraient. Inutile fatigue. J'avais beau crier de toutes les forces de mon être, ce fut comme si on m'avait enlevé ma voix, pour m'empêcher de signaler ma présence à quiconque passerait par là, telle une prisonnière à qui on confisque toutes armes pouvant la défendre face au danger et qu'on garder enchaîner jusqu'à sa mort. Je frissonnais et me rendais enfin compte que je resterai seule à jamais. Seule avec comme seule compagnie, qui n'était d'ailleurs pas des plus rassurantes, ce noir immense et insondable. Une larme coula sur ma joue et j'entendis en un instant tous les reproches que ma famille a pu me faire à l'époque où je les côtoyais, ainsi que mes disputes avec mes amis d'antan. Cette torture psychologique me fit me courber, tout en tenant ma tête entre mes mains tremblantes. J'avais l'horrible impression que cette dernière allait exploser à force de me faire revivre en boucle ces quelques évènements de ce que je considère comme mon ancienne vie.

Alors que je m'évanouissais suite à cette terrible et étouffante lutte contre mon propre esprit, mon corps véritable ouvrait lentement les yeux, les clignant face à la maigre lueur d'une bougie, tenue expressément face à son visage. Je reprenais mes esprits. Petit à petit, je commençais à me rappeler les derniers évènements avant mon évanouissement. Je ressentis d'ailleurs tout de suite une petite douleur sur le côté droit de ma tête. Naturellement, j'y mis ma main, sentant ainsi une petite bosse qui déformait mon cuir cheveulu.

*Mince ! Je me suis bien blessée dis donc !*

Mais... Quelle ne fut pas ma surprise quand je sentis aussi une sorte de bandage enroulé sur toute la circonférence de mon crâne. Cette petite information faisant son chemin dans mon cerveau, je me mis à réfléchir à toute vitesse, tentant de me souvenir ce qu'il s'était passé après être, par erreur, entrer dans un poteau, le tout en courant à vive allure. Une personne avait dû me retrouver et me soigner, mais qui est-ce que cela pouvait bien être ?

*Bon sang ! Pourquoi est-ce que je ne souviens de rien ? J'ai pourtant une sainte horreur de ne pas être maître de moi-même, mais j'imagine que c'est ce qu'il s'est produit.*

La bougie m'aveuglant, je ne pus discerner aucune autre forme près de moi. Je refermais donc mes yeux, essayant de me focaliser sur les bruits et les odeurs qui m'entouraient. Une bourrasque de vent frais m'informa que je devait être encore à l'extérieur, mais j'avais juré avoir vu comme un toit se tendant au-dessus de moi. Puis, je sentis l'odeur de diverses plantes que l'on faisait cuire. Je reconnus, entre autre, la lavande, la menthe et le romarin. Accompagnait ces odeurs et les souffles acérés du vent, un chant. Chant marmonné et qui résonnait sur les parois de l'abri non identifié dans lequel je me trouvais en compagnie d'une autre personne. Je me mis à analyser la voix de cette dernière, afin de savoir si je connaissais l'être d'où elle provenait. Tout ce que je pus conclure, c'est que cette douce mélodie qui me réchauffait le coeur et embrouillait mon esprit était chantée par une femme. Me sentant bouger, cette dernière s'arrêta dans cette douce comptine, cessant ainsi toute la magie qu'opérait sa chanson dans mon corps.

Suite à cela, elle m'adressa la parole de sa voix fluette et carillonnante.